To Daburon (Abbé)   18 novembre 1829

Hyères, 18 novembre 1829
Mon cher, mon excellent ami,

Je ne saurais m'expliquer comment après tout ce que je vous dois je ne vous ai pas encore écrit depuis que vous êtes de retour à Paris, j'attendais toujours d'avoir à vous donner quelque chose de positif sur ma santé. Vous avez su par mon fils qu'elle était en général améliorée, mais c'était avec des alternatives de mieux et de plus mal qui tantôt me rassuraient et tantôt me faisaient craindre que le mieux précédent n'était qu'apparent et que la maladie suivait son cours dont l'issue devait être fatale. Depuis même que je suis à Hyères j'ai eu deux de ces rechutes, heureusement passagères, mais qui ne m'en ont pas moins inquiété. Enfin je suis tout à fait rassuré, aujourd'hui je n'ai toussé que trois ou quatre fois depuis 24 heures et n'ai pas rendu un seul crachat suspect. J'espère que ce mieux plus complet que tous les autres sera aussi de plus longue durée, et qu'il n'y aura plus de retour fâcheux. J'avais un très beau temps depuis quelque temps qui a sans doute bien contribué à m'avancer aussi rapidement vers une parfaite guérison, malheureusement un froid, dit-on sans exemple au mois de novembre à Hyères, m'a fait voir ce matin les toits couverts de neige. On n'en avait pas vu ici depuis deux ans, mais jamais si tôt de mémoire d'homme. Il parait cependant qu'à l'instant le plus froid de la nuit dernière le thermomètre n'est descendu que juste à zéro, et que la crainte qu'on a eue ce matin pour les oranges qu'on n'a pas encore cueillies, ne seront que de vaines alarmes.

Du 19 novembre Ce que j'avais prévu est arrivé, ce froid d'hier n'a point fait de mal, le beau temps de retour m'a permis de faire une longue promenade en voiture, dans une partie des environs d'Hyères que je ne connaissais point encore. Ces promenades sont comprises dans ce qui m'a [été] prescrit par le médecin. Elles ont beaucoup contribué à ma guérison qui semble se consolider chaque jour de plus en plus, le séjour d'Hyèr[es] tout l'hiver achèvera de la rendre complète, et je serai mieux portant que jamais à l'époque des prochaines tournées universitaires. Ce sera un grand bonheur pour moi si l'on m'en accorde une. Puissé-je la faire avec vous et me dédommager ainsi de n'avoir pu achever cette année celle que nous avions commencée ensemble !

Je pense que ma sœur vous a remis les 90 francs que je vous dois, mon fils l'avait chargée de le faire avant de quitter Paris. Cet excellent fils fait ma consolation et ma joie, nous faisons ensemble ces promenades qui me sont si salutaires, il a appris à jouer aux échecs pour me procurer cet amusement et travaille plus qu'il n'a peut-être jamais fait à son ouvrage sur l'histoire de la langue et la poésie des peuples scandinaves.

Je vous prie, mon cher et excellent ami de me rappeler au souvenir de ceux de nos collègues que vous aurez l'occasion de voir et des personnes attachées à l'université qui s'intéressent à moi. Recevez avec le tendre intérêt dont vous m'avez donné ainsi qu'à mon fils, des preuves si touchantes à jamais gravées dans notre mémoire, les respectueux hommages de la plus tendre amitié et de la plus vive reconnaissance que nous vous offrons l'un et l'autre.

Je suis avec respect, mon bien cher collègue, mon excellent ami, votre très humble et très obéissant serviteur. A. Ampère

Monsieur l’abbé Daburon, inspecteur général des études rue du four St Germain presque vis à [vis] la rue Dedégout n° 43

Please cite as “L869,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 28 March 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L869