To Julie Carron-Ampère (1ère femme d'Ampère)   8 mars 1802

[1332] Bourg le lundi matin [8 mars 1802]

Je viens enfin de recevoir, ma bonne amie, une lettre bien désirée, surtout depuis hier au soir ; Pochon ne me l'a remise qu'à 9 heures. J'avais été la chercher chez lui mais il n'y était pas. Cette lettre a augmenté le chagrin que j'avais eu d'une sottise impardonnable que ma Julie veut bien pardonner. Je te promets de ne plus m' inquiéter si tes lettres sont retardées ou que quelques bonnes raisons t'empêchent de m'écrire le jour où j'attends de tes nouvelles. Je sais bien, ma bonne amie, que tu[1333] n'oublieras jamais celui dont tu as fait le bonheur et qui n'aime la vie qu'autant qu'il est aimé de toi. Je ne serai jamais injuste à cet égard comme la personne dont tu me parles, et que nous aimons tous deux malgré ses \petits/ travers 1. Tu m'as pardonné les miens et je m'en rappellerai toujours pour penser que tu es trop bonne pour moi, et que je serais le plus méchant si je [ne] te faisais [illisible] pas une attention continuelle à éviter tout ce qui peut te causer quelques peines. Ce que tu me dis du mal que t'a peut-être fait ma lettre augmente le chagrin que j'ai de l'avoir écrite. Je[1334] te prie de me dire dans ta première si tu t'en es ressentie depuis. Hélas, quand j'écrivais cette lettre que j'ai rouverte sans la relire faute de temps , je ne prévoyais pas tout le mal qu'elle te ferait. Je croyais même y avoir mis plusieurs phrases où j'attribuais plutôt le manque de lettre à quelque indisposition qu'à l'oubli que tu aurais fait de moi. Rappelle -toi aussi, pour diminuer un peu mes torts, que Pochon m'avait dit expressément qu'il n'avait point de lettre pour moi. Quant à M. de JussieuBresoles, je lui écrirai dès[1335] que tu m'auras dit ton avis à cet égard. Je suis sûr de vendre ici le bain 18 l[ivre]s. Ce n'est que la machine à faire de l'eau qui m'ennuie parce que, quoique convenable pour un cours particulier, elle ne l'est pas pour un cours public. Je pourrais cependant en tirer peutêtre encore parti. Si tu te décides à résilier le marché de M. Bresoles, tu m'enverras sur-le-champ le bain en fer-blanc et la machine à l'eau ; il faudra peut-être la démonter dans la crainte que le poids du plomb ne[1336] casse le verre ; peut-être au contraire vaudra-til mieux les laisser attachés. Tu prendrais à cet égard l'avis de M. Gambier. \Je rouvre ma lettre pour te dire que ces machines me seront ici très utiles./

Voici la liste de tout ce que j'ai reçu. \Si tu peux m'envoyer une grande quantité de papier à lettre et d'exemple {sic} , il est bien cher ici :/ Un bureau tout ouvert, mais cousu dans de la toile rousse ; tout à fait haut, il était vide ; tous les tiroirs en étaient bien pleins. Le lit en deux paquets. Une grande balle bien pleine. Deux volumes de Sigaud de Lafond. Un parapluie. Une caisse clouée contenant tout ce que tu m'annonces, excepté la cravate . \Envoie-moi aussi des chandelles ! Je t'embrasse bien et le petit aussi./ Je te renverrai le catalogue[1337] de M. Mollet à la première occasion.

La femme de Perrin, portière du collège, dont je t'ai déjà parlé plusieurs [fois], te remettra cette lettre. Si tu peux lui donner une provision de chandelles, cela fera une économie, car elle coûte ici 17 la livre. Elle te remettra la loquetière.

Tu as mis sur le petit livre que j'ai emporté 96 l[ivre]s de Lyon ; j'ignore si les six francs que j'ai donnés à Lyon en arrêtant la voiture y étaient compris. Sans cela, ils me manqueraient .[1338] Voici le compte de mes dépenses, depuis que je me suis mis en route : Aux postillons................................ 1 L[ivre] 4 S[oles] Pour achever le prix de la voiture........ 6 Au crocheteur................................ 8 S[oles] A M. Renaud.................................. 2 A sa servante................................. 1 A Pochon...................................... 9 A Perrin p[ou]r apporter ici................. 1 .10 Au domestique de M. André.............. 1 .10 Encre......................................... 15 Chandelles................................... 17 A la femme de Perrin....................... 6 Boîte à poudre.............................. 12 Houppe........................................ 1 .4 A la femme de Perrin....................... 6 2 chaises................................. 3 Passe-partout................................ 1 A la femme de Perrin....................... 6 ................................................. 48 L.0 Il me reste 48 - 42 = 9.0

Si je payais mon mois de pension à M. Beauregard, il me resterait 40 sous.[1339] Je viens de tout repasser pour m'assurer qu'il n'y a point de cravate dans tout ce que tu m'as envoyé. Il faut qu'elle soit restée à Lyon.

Si tu partages mon avis de ce moment, tu exigeras le louis de M. de Jussieu le plus tôt possible, et tu m'enverras le bain et la machine à l'eau. Ma chambre touche celles de deux confrères ; elle n'est pas froide et j'y fais souvent du feu. Je te serre dans mes bras, ma bonne et toujours bonne amie. Tu me ferais bien plaisir de me donner des nouvelles de ta maman et d'élise. La femme Perrin m'a prié de te la recommander ; elle ne connaît personne à Lyon.

A Madame Ampère-Carron, maison Rosset, n° 18, grande rue Mercière, à Lyon.
(2) Élise.

Please cite as “L88,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 26 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L88