En quittant Paris pour quelque temps, mon très honoré collègue, je mis en quelque manière dans vos mains le sort de notre académie, en vous laissant le Mémoire qui expose ses besoins et les moyens d'y subvenir, et en vous priant de veiller à ce qu'il pût obtenir un résultat. J'ai eu plus d'une occasion de remarquer que cette condition importante dépendait d'autres qui le paraissaient bien moins, par exemple du soin qu'on avait pris, ou non, d'épargner aux bureaux tel ou tel travail de rédaction. En conséquence nous nous sommes occupés MM. le Recteur, l'Inspecteur, et moi, de mettre sur le papier un projet d'arrêté pour la distribution du produit du reversement (supposé admis) entre les Professeurs, au prorata de leur travail individuel, seul principe équitable à suivre en pareil cas 1. J'avais supposé dans le mémoire que cette répartition serait attribuée au Conseil académique sous l'approbation finale de S[on] E[xcellence] le Grand Maître mais, réflexion faite, nous avons cru qu'il valait beaucoup mieux qu'elle fût censée venir d'en haut, en même temps que l'arrêté principal, pour prévenir des discussions qu'auraient pu provoquer quelques individus chez qui l'intérêt personnel serait trop fortement prononcé. Je vous adresse donc ci-joint le projet, qui, s'il a votre approbation et celle de notre respectable collègue, pourrait être soumis au Grand Maître,[14] et sortir ensuite de ses bureaux comme Minerve de la cuisse de Jupiter.
Une lettre de M. Chabot de l'Allier 2 à un de nos Professeurs de Droit, nous donne la certitude qu'il appuiera dans son Rapport la conservation de notre école préparatoire de Droit, dans l'hypothèse (admise) qu'elle sera composée de 4 Professeurs. On lui donnera la faculté de conférer le baccalauréat ; c'est tout ce que nous demandons : et loin de porter préjudice aux écoles spéciales, cet établissement contribuera à les peupler d'étudiants qui, sans la facilité de faire à Genève leurs deux premières années d'études, auraient renoncé à cette vocation. Nous espérons le même avantage, par les mêmes motifs, pour notre école préparatoire de Médecine et nous mettrons toutes ces espérances sous votre surveillance bénévole et spéciale, et sous celle de votre digne collègue, au souvenir duquel je désire vivement être rappelé.
Notre Recteur est embarrassé dans son administration, sur un point sur lequel il n'a pas pu obtenir d'éclaircissement suffisant : savoir, si les élèves, en prenant 8 inscriptions, c'est-à-dire 4 pour deux cours, doivent payer 24, ou seulement 12 francs ? Le Règlement imprimé n'est pas clair, ou plutôt lui a semblé contradictoire là-dessus. Il faut donc recourir à l'usage. Ainsi, veuillez nous faire savoir ce qui se pratique, afin qu'il s'y conforme.
Avez-vous eu, mon cher Collègue, le temps, et la bonté, de lire le Mémoire de M. Sarthou sur l'attraction capillaire 3 ? Je désirerais[15] fort connaître votre opinion sur le mérite de ce travail, qui m'a semblé au premier coup d’œil simplifier beaucoup la théorie de M. de Laplace 4. A propos de ce savant, je trouve dans l'annuaire de 1811 5 dont il m'a fait cadeau, et qu'il présente un peu comme son ouvrage, deux inexactitudes assez fortes : Après nous avoir dit que les orbites des planètes sont des ellipses, il ajoute que l'orbite de la Terre s'appelle l'écliptique ; ce qui n'est point exact car cette orbite n'est qu'une ellipse particulière tracée sur le plan de l'Ecliptique 6 ; celui-ci est essentiellement un cercle considéré sur ce même plan, et dont le rayon varie comme la distance de la planète qu'on veut lui rapporter ; le soleil est supposé au centre de ce cercle ; il est au contraire à l'un des foyers de l'ellipse. Dans le Tableau des départements on donne à l'Aude ce qui appartient à l'Aveyron 7 et vice versa ; capitale, population, etc. tout est échangé ! Des ouvrages aussi essentiellement didactiques que ceux-là devraient être rédigés avec un peu plus de soin.
Lorsque vous voudrez, et pourrez, me faire l'amitié de me répondre, mon très cher Collègue, veuillez faire partir votre lettre des bureaux de l'Université sous l'enveloppe grise qui les soustrait au tribut que nous ne devons point quand nous correspondons pour notre office. Adieu. Je conserve un souvenir précieux de vos aimables prévenances pendant mon dernier séjour à Paris, et de l'intéressante réunion à laquelle il me coûta beaucoup de me dérober certain Dimanche. Je me félicite déjà de la perspective de vous retrouver l'an prochain. Veuillez agréer l'expression de mon plus entier dévouement. M. A. Pictet
Please cite as “L880,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 29 March 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L880