To Marc-Auguste Pictet   19 janvier 1811

19 janvier 1811
Très cher et très honoré collègue 1,

Je veille toujours autant qu'il est en moi sur l'affaire relative à l'Académie de Genève, mais vous savez comme tout va lentement. Je ne sais rien de nouveau à cet égard depuis ma dernière lettre. Aujourd'hui j'ai à vous prier, tant au nom de M. Roman qu'au mien, de vouloir bien réparer une suite assez fâcheuse du peu d'ordre qu'on met dans le travail. Vous savez que nous étions chargés de choisir des sujets à Genève pour les 6 places que la ville paye en tout ou en partie au Lycée de Grenoble ; on désirerait à Genève que ces fonds fussent appliqués à l'Académie au Collège, mais vous savez qu'on demande et que j'espère fort qu'on obtiendra d'autres ressources dépendant uniquement de la décision du Grand Maître, tandis que les bourses attribuées au Lycée de Grenoble le sont par un décret qu'on ne peut changer. Où ce Lycée trouverait-il la compensation de ces bourses ? Il faut donc qu'elles restent affectées au Lycée de Grenoble, mais il serait bien à désirer que de jeunes Genevois privés d'autres ressources en profitassent ; c'est pourquoi nous avions ouvert un concours. Vous savez qu'il n'y eut pas de candidats qui satisfissent à toutes les conditions prescrites ; néanmoins nous fîmes une liste que nous adressâmes au grand-maître. Par un événement difficile à concevoir, cette liste s'est perdue ; il n'en reste aucune trace, et comme on va nommer dans quelques jours à un nombre déterminé et assez considérable de bourses ou portions de bourses, nous avons recours à vous, très cher et très honoré collègue, et nous vous prions, M. Roman et moi, de tâcher par tous les moyens possibles de savoir les noms de ceux qui s'étaient présentés à notre concours, de leur faire subir devant vous, si vous voulez de concert avec M. Boissier, un examen concurremment avec ceux qui n'ayant pas voulu se présenter dans le temps se seraient ravisés depuis, et aspireraient aux bourses pour le Lycée de Grenoble. M. le Curé de Genève 2 vous dira les noms de plusieurs de ceux que nous avons examinés, mais dont les noms et les notes sont également perdus. Je crois me souvenir que c'est parmi ceux qu'il connaissait que se trouvait ce jeune homme qui nous semblait le plus fort. Au reste nous nous en remettons entièrement à vous sur tout ce qu'il convient de faire à ce sujet.

Nous croyons seulement devoir vous dire que les meilleures places actuellement vacantes au Lycée de Grenoble sont des trois quarts ; on ne pourra donc être nommé cette année qu'à cette sorte de places, mais cela n'ôtera pas à ceux qui en auront obtenu le droit d'être nommés à une des bourses entières lorsqu'il y en aura de vacantes.

Si vous pouvez nous envoyer incessamment une liste de quelques candidats rangés dans l'ordre où vous aurez jugé qu'il méritent d'être placés, vous nous ferez d'autant plus de plaisir qu'on n'attend plus que cela pour procéder aux nominations du Lycée de Grenoble.

Il n'y a rien de nouveau à ma connaissance au sujet des demandes de l'Académie de Genève ; je m'en informerai en portant cette lettre à l'Université, et s'il y avait quelque chose qui en valût la peine, je la rouvrirai pour vous le mander. Je vous prie, mon très cher et très honorable collègue, d'agréer l'hommage de tous les sentiments que je vous ai voués pour la vie. M. Roman me charge de vous offrir mille sincères compliments. J'y joins tous les vœux de la plus tendre amitié et du plus entier dévouement. A. Ampère

(2) Ampère et Pictet étaient tous deux inspecteurs généraux de l'Université impériale.
(3) Le culte catholique avait été réintroduit à Genève au moment de l'annexion à la France, en 1798.

Please cite as “L884,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 26 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L884