To Marc-Auguste Pictet   28 février 1813

Paris, 28 février 1813
Monsieur,

[illeg] Dans le compte qui a été rendu dans la Bibliothèque Britannique des expériences faites par le célèbre M. Humphry Davy sur une substance détonnante 1, découverte il y a dix-huit mois par M. Dulong 2, on trouve que cette substance avait été entrevue par un élève de l'université de Cambridge, sans marquer l'époque où cette observation a été faite pour la première fois en Angleterre. Comme cette découverte, l'une des plus remarquables qui se soient faites en chimie depuis celle des radicaux métalliques 3, des alcalis et des terres 4, et celle du bore 5, me paraît appartenir en entier à M. Dulong, et que j'ai pu être l'occasion de ce qu'on l'a connue en Angleterre avant que ce chimiste l'ait publiée 6, je n'ai pu lui refuser de vous adresser un extrait de la lettre que j'écrivis à ce sujet à M. Davy en date du 25 août 1812, et qui partit pour l'Angleterre peu de jours après ; voici donc copie littérale du passage de cette lettre, qui est relatif au chlorine d'azote ou, comme l'a nommé M. Dulong, à l'azote oximuriaté.

Vous avez sans doute appris, Monsieur, la découverte qu'on a faite à Paris, il y a près d'un an, d'une combinaison de gaz azote et de chlorine, qui a l'apparence d'une huile plus pesante que l'eau, et qui détonne avec toute la violence des métaux fulminants à la simple chaleur de la main, ce qui a privé d'un œil et d'un doigt l'auteur de cette découverte. Cette détonation a lieu par la simple séparation des deux gaz, comme celle de la combinaison d' oxygène et de chlorine qu'a fait connaître M. votre frère 7 ; il y a également beaucoup de lumière et de chaleur produites dans cette détonation, où un liquide se décompose en deux gaz. [illeg]

J'ai l'honneur d'être, etc. A. Ampère

(2) Ce compte-rendu était en réalité l'extrait d'une lettre du Dr Marcet au Prof. Prevost, en date du 14 nov. 1812, publié dans la Bibi. Brit., t. 51, pp. 390-392 (déc. 1812). La substance en question, une huile appelée alors azote oximuriaté ou chlorine d'azote, est le trichlorure d'azote.
(3) La découverte de cette substance, qui avait échappé à Vauquelin, avait été faite par Dulong en octobre ou novembre 1811 et consignée dans un billet cacheté envoyé à l'Institut. On s'apercevra plus tard que Van Mons avait déjà annoncé brièvement une semblable découverte dans le Journal de physique de Gren[oble] en 1796.
(4) L’isolation du potassium et du sodium par l’électrolyse, réalisée par Davy en novembre 1807.
(5) La découverte des terres alcalines, à savoir le magnésium, le calcium, le strontium et le barium fut aussi l'oeuvre de Davy (juin 1808).
(6) La découvert du bore revient à Gay-Lussac et Thénard (novembre 1808).
(7) Dulong ne lut en effet son mémoire devant l'Institut que le 7 janv. 1813, avant de le publier dans Les Annales de Chimie. Entre temps, il avait subi deux accidents qui avaient interrompu ses recherches.
(8) Davy avait plusieurs frères, dont l'un mourut dans ses bras à Genève en 1819. Il s'agit ici de John Davy (1790-1868), physiologiste et anatomiste, Dr en médecine d’Édimbourg (1811). Lorsque Humphry Davy avança des vues sur l'acide muriatique opposées à celles de Berthollet et qu'il fut attaqué par le Dr Murray, John défendit les vues de son frère : il fit des expériences dans le laboratoire de l’Université d'Édimbourg en présence de nombreux scientifiques et obtint des résultats entièrement probants. Il fera ensuite carrière comme chirurgien militaire et inspecteur des hôpitaux.

Please cite as “L888,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 26 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L888