To Marc-Auguste Pictet   28 mars 1816

Paris, 28 mars 1816
Monsieur et très cher collègue,

Que de remerciements ne vous dois-je pas de tous les soins que vous vous êtes donnés pour me procurer ce tellure que je désire si vivement 1 ! J'ai bien reconnu dans cette occasion votre extrême obligeance et l'amitié que vous avez la bonté d'avoir pour moi ; tout mon cœur y répond, et je désirerais que vous eussiez quelque chose à faire ici pour que je pusse vous montrer ma reconnaissance par mon zèle à exécuter vos commissions. Je regrette plus encore que vous, Monsieur et bien cher ami, les temps dont vous me parlez, c'était un vrai bonheur pour moi de nous voir tous deux dans le même genre d'occupations et de pouvoir cultiver votre précieuse connaissance. J'attends avec impatience le premier numéro de la Bibliothèque Universelle. A l'égard de l'abonnement on m'a dit que pour Paris il fallait tout bonnement souscrire chez Paschoud, ce que je ferai incessamment pour la partie des sciences. Il y a un autre journal qui commence ici sous d'heureux auspices, ce sont les Annales de Chimie et de Physique faisant suite aux Annales de Chimie. Il paraît qu'il va publier une suite d'observations aussi neuves qu'importantes sur la lumière 2, on dit qu'il en résulte des preuves indubitables en faveur du système des vibrations de l'éther. Mais je ne sais pas encore tous les détails relatifs à cette nouvelle théorie, quoiqu'on en ait déjà discuté dans les séances de l'Institut. Je n'y étais malheureusement pas quand on a lu le rapport à ce sujet 3, j'arrivai pendant la discussion au reste tout cela sera bientôt publié.

Je vous prie de ne point m'oublier auprès de nos communs amis de Genève, asile des sciences où grâce à votre zèle et au leur elles fleuriront toujours de plus en plus. Permettez-moi de vous renouveler mes remerciements, et de vous prier d'agréer l'hommage de ma haute estime et de la plus vive amitié.

J'ai l'honneur d'être, Monsieur et très cher collègue votre très humble et très obéissant serviteur, A. Ampère

à Monsieur le professeur Pictet de l'Académie de Genève et de l'Institut Royal de France, rue des belles femmes 4 à Genève
(1) Le tellure, que l'on trouve généralement associé à des minerais de bismuth, de plomb, d'or ou d'argent ne se rencontrait guère que dans quelques localités de Hongrie et de Transylvanie.
(2) Il s'agit du Mémoire sur la diffraction de la lumière envoyé par Fresnel à l'Institut en octobre 1815. Ce mémoire expliquait notamment le phénomène des interférences à partir de la théorie ondulatoire héritée de Huyghens, Euler et Young.
(3) Ce rapport, présenté par Arago et Poinsot le 27 mars 1816, concluait de l'accord du calcul avec l'expérience que l'hypothèse ondulatoire présentée par Fresnel sans être complètement garantie, mérite d'être étudiée, opinion qui fut combattue par Biot et Laplace. C'est vraisemblablement pourquoi ce rapport ne fut pas publié dans les procès-verbaux des séances de l'Institut. Le mémoire de Fresnel sera néanmoins publié dans les Annales de Chimie et de Physique, 1, 1816, mais ne sera couronné par l'Institut qu'en 1819. Il sera alors publié une nouvelle fois dans les Annales de Chimie et de Physique (t. 11) avant d'être inséré dans le t. V des Mémoires de l'Académie (1826).
(4) En réalité rue des belles filles, aujourd'hui rue Étienne Dumont.

Please cite as “L897,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 28 March 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L897