To Marc-Auguste Pictet   22 juin 1822

Paris, 22 juin 1822
Monsieur, très cher et très honorable collègue,

Je vous adressai l'autre jour un mémoire qui contient la description et l'explication de nouveaux phénomènes que j'ai la plupart observés le premier au mois de décembre dernier ; ces phénomènes me paraissent assez curieux en eux-mêmes, et assez importants par le nouveau jour que leur explication jette sur les véritables causes des effets de l'électricité dynamique, que je me suis flatté que vous accorderiez, d'après ce que vous m'avez dit pendant votre séjour à Paris, une place à ce travail dans la Bibliothèque Universelle, quoiqu'il doive aussi paraître dans les Annales de Chimie et de Physique. Les rédacteurs de ce dernier journal ont fait graver une planche sur une copie des dessins que je vous ai envoyés ; j'ai revu les épreuves de cette planche, et j'ai reconnu combien il était difficile à un graveur d'exécuter sans omissions les figures de ce genre. Malheureusement la planche ne m'appartenant pas, je ne puis faire à cet égard comme pour la planche 6 de mon recueil dont le cuivre m'appartient, et dont je vous enverrai douze cents exemplaires dès que j'aurai achevé la rédaction de ce qui s'y rapporte, mais rien n'est plus aisé au contraire au graveur, et plus tôt fait, que de calquer, pour les porter sur le cuivre, des figures déjà gravées ; c'est ce qui m'a fait penser à demander une double épreuve, à mettre sur l'une le bon à tirer, et à vous envoyer l'autre ; c'est l'affaire de très peu de jours de la calquer, et alors mon mémoire pourrait peut-être paraître, du moins en partie, dans la Bibliothèque Universelle avant sa publication dans les Annales.

Je vous ferai remarquer que les figures 1-13 de cette planche sont seules relatives à ce mémoire, les figures 14, 15 et 16 se rapportent à un autre mémoire que j'ai lu à l'Académie le 10 juin dernier 1, et que je vous enverrai également, pour en faire l'usage que vous voudrez. Vous pouvez en prendre une idée dans ce que j'en dis à M. De la Rive dans la lettre que je viens d'écrire à ce savant physicien  ; peut-être trouverez-vous que le sujet en est trop abstrait pour pouvoir être inséré dans votre excellent journal 2 ; si tel est votre avis, vous pouvez ne faire calquer que les 13 premières figures pour en former votre planche ; si vous croyez pouvoir admettre un peu de calcul intégral très simple, et que vous vouliez aussi publier du moins par extrait le mémoire que je vous enverrai, alors toute la planche peut être calquée.

Dans tous les cas, cela est indépendant de l'envoi que je vous ai promis de tout ce qui est relatif à la planche 6 de mon recueil ; ce sont d'anciennes choses qui n'ont point été publiées. Mandez-moi je vous prie quel numéro les douze cents exemplaires de cette planche que je dois vous envoyer doivent porter. Ce devait être planche 1, mais si vous faites calquer celle que je vois envoie, ce doit être, ce me semble, au moins planche 2.

Je me flatte aussi que vous publierez dans la Bibliothèque Universelle un extrait de ma lettre à M. De la Rive, qui est partie avec le mémoire. Je n'en ai point de copie, et vous me rendriez le service le plus important pour moi de faire tirer à mon compte, pour mon recueil, 300 exemplaires de ce que vous imprimeriez dans la Bibliothèque Universelle de cette lettre à M. De la Rive, en mettant à la première page de cette retiration (pour me servir du mot technique) le numéro de page 252, parce que ce que j'imprime à présent pour mon recueil ira jusqu'à la page 251. Je ne vous demande rien de semblable pour le mémoire même, dont je ferai tirer les 300 exemplaires à part sur la composition des Annales de Chimie et de Physique. Je vous prie de remettre à Monsieur De la Rive l'erratum ci-joint pour la lettre que je lui ai écrite.

Vous pouvez voir, Monsieur et très cher collègue, le désir que j'ai de la publication des principales parties de mon travail dans cette Bibliothèque Universelle qui est au premier rang parmi les ouvrages les plus utiles aux sciences. J'étais loin de penser quand je proposai en 1820 ma théorie sur les phénomènes électro-dynamiques 3 *, qu'on en découvrirait tant d'autres que je n'entrevoyais même pas à cette époque, quoiqu'ils fussent une suite nécessaire de cette théorie, qu'elle recevrait ainsi tous les jours de nouvelles confirmations, par de nouveaux faits en contradiction manifeste avec les autres explications qu'on avait essayé de donner des phénomènes connus alors. Je regarde, il me semble avec raison, le mémoire lu il n'y a pas encore quinze jours à l'Institut comme un des plus importants. Il confirme tout le reste, et donne le moyen de tout soumettre au calcul.

J'ai l'honneur d'être, Monsieur et très honorable collègue votre très humble et très obéissant serviteur, A. Ampère

P.S. : Les figures dont je me sers dans la lettre à M. De la Rive sont dans la planche 6 des exemplaires que je vous ai remis, tant pour vous que pour M. De la Rive et pour la bibliothèque de l'Académie vous pouvez les y emprunter si vous le jugez à propos.

à Monsieur Pictet, membre associé de l'Institut de France (Académie des sciences), professeur de physique à l'Université de Genève , l'un des rédacteurs de la Bibliothèque universelle, à Genève, Confédération helvétique
(1) II s'agit du Mémoire sur la détermination de la formule qui représente l'action mutuelle de deux portions infiniment petites des conducteurs voltaïques, lu à l'Académie des Sciences les 10 et 24 juin 1822 et publié dans les Annales de Chimie, t. 20, pp. 398 (août 1822).
(2) Ce sera effectivement l'avis de Pictet, qui se contentera de publier un extrait de la lettre d'Ampère à De la Rive.
(3) Dans son mémoire Sur l’action des courants voltaïques, Annales de Chimie et de Physique, 15, 1820.

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