From Claude-Julien Bredin   25 février 1812

[16] 25 fév[rier] 1812

[illeg] Je suis allé à Lyon ce matin. J'ai eu le plaisir de voir Ballanche, Bonjour, Dupré. Mais j'allais annoncer à Mme Duval que son mari s'est cassé la jambe d'une manière dangereuse. N'est-il pas cruel d'avoir à porter une mauvaise nouvelle à une femme qui a déjà tant de sujets d'affliction ? Et puis, dans ces maudites grandes villes, on voit tant de choses révoltantes ; on rencontre tant de physionomies repoussantes ! Je crois que tu es partisan des grandes villes. Je conviens avec toi qu'il en fallait pour avoir les Académies, les Athénées, etc. Mais il faut avouer[17] que rien n'est plus propre à dégrader et à avilir les hommes que ces monstrueux rassemblements. Que d'hommes sacrifiés à... et, en un mot, je ne les aime pas ; leur séjour m'est pénible ; je n'y respire pas à mon aise. Il fallait bien qu'il y en eût. Mais il me semble que je ne devrais pas être là ! Comme je vivrais dans un joli village ! Ici je souffre ; et toi, tu souffres à Paris

[illeg] Bonjour m'a dit qu'il avait lu un livre dont il ne connaît pas l'auteur. L'ouvrage est intitulé Agathoclès *. Il le place bien au-dessus de tout ce qu'il a lu dans le genre du roman. Cela m'en donne une haute idée ; car notre ami est difficile à contenter. C'est M. de Montalieu qui l'a traduit de l'allemand [illeg] [18]

Si tu as le temps et que cela t'amuse, explique-moi un peu mieux ta découverte en chimie 1 [illeg] J'ai rattrapé ton Don Carlos *. Avec quel plaisir je vais le lire ! J'ai lu cet hiver Sophocle, Euripide et Shakespeare. Je suis un vrai barbare. Je mets tout cela avant Racine. Et Don Carlos ! J'ai besoin de le lire de nouveau. Mon ami, comme nous avons costumé les Grecs ! Notre Racine avec ses beaux vers ! Et Shakespeare, comme il est à l'étroit sur notre scène si mesquine !

Tu me diras comment te renvoyer ce chef-d’œuvre de Schiller ; mais je le remettrai à Ballanche. Je t'embrasse de toute mon âme.

[19] A monsieur Ampère, Cour du Commerce n°19, près de la rue des fossés S[ain]t Germain à Paris
(1) Découverte de l'individualité du fluor.

Please cite as “L909,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 20 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L909