[illeg] Le courage et l'espérance ne m'abandonnent pas. Mais j'ai des ennuis de plus d'un genre. D'abord je souffre de voir tout ce qui m'entoure atteint d'une maladie épidémique du plus mauvais caractère. C'est la peur, ce mal affreux, ce mal très réel, qui empêche de faire rien de bien, qui ne dicte que des sottises, des bêtises et même des choses criminelles. Jusqu'à cette heure, grâce à Dieu, j'ai résisté à la contagion. Je gémis de voir quelle est la pauvreté, la misère morale de tant d'êtres que Dieu semble avoir destinés à être des hommes. Où est la morale ? Où est la religion de tant d'honnêtes gens, de tant de chrétiens ? Si tu entendais les raisonnements que j'entends tous les jours, si tu voyais ce mélange monstrueux d'arrogance et de bassesse ? Si tu les entendais comme moi avec un cœur aimant et avec un esprit froid : disposition qui ne m'est pas ordinaire, mais dans laquelle je me trouve tout à fait depuis quelque temps !
Ils ne voient que l'argent, ils ne pensent qu'à l'argent ! Quels beaux sentiments peut-on attendre de tels gens ? Où prendraient-ils des pensées d'honneur ?
Tu sauras que je ne souffre pas seulement comme homme, comme chrétien, comme patriote ; je souffre encore comme directeur de l'école. Je suis [307] harcelé, tourmenté par les créanciers de l'école. Je t'assure que ce n'est pas amusant du tout. II n'y a pas un sol dans notre caisse, 275 élèves à nourrir à crédit.
Grâce à Dieu, ma femme et mes enfants se portent bien et ne tombent pas dans le découragement général. Je soutiens leur courage tant que je puis. Il n'y a que pleurs et désespoir autour de nous [illeg] Ne t'inquiète pas sur moi. Sois assuré que je ne perdrai pas l'espérance, quand bien même ce que l'on craint, ce que tant de gens désirent en tremblant, arriverait [illeg]
Please cite as “L912,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 25 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L912