From Claude-Julien Bredin   28 décembre 1818

[366] 28 décembre 1818

Cher ami, je comprends très bien les inquiétudes que tu as eues il y a quelques jours au sujet de ta charmante Albine. Mais je ne comprends rien à celle que te donne la réponse qu'on a faite à C. le 24 au soir. Tu ne me donnes pas seulement à connaître de quel ordre est cette vérité que tu prévoyais déjà. Mon imagination travaille ; mais, très probablement, elle s'égare [illeg]

Je demande à Dieu qu'il te donne la résignation dont tu as besoin. A la messe de minuit nos élèves ont chanté de si beaux cantiques et avec tant de perfection ! J'ai prié pour toi. J'ai demandé à Dieu que tu[367] songes, que tu médites, que tu sentes profondément ce mystère d'un Dieu qui consent à venir partager la misérable vie de sa chétive créature. Et encore si c'était la vie d'une créature qui eût conservé la beauté, la pureté, la perfection que Dieu donne à tout ce qu'il émane de lui-même ! Mais Dieu, l'auteur de toute perfection, vient partager l'état avilissant d'un être que ses fautes ont précipité dans une vie grossière et animale.

Quel a donc été le péché d'Adam, puisqu'il a fallu l'abjection d'un Dieu pour le réparer ! Quel était donc le rang qu'occupait Adam avant sa chute, puisque Jésus-Christ lui-même a daigné venir partager la prison de cet auguste coupable ? [illeg] Il paraît que ce qui t'afflige afflige aussi C[amille]. Dis à cet homme admirable que je l'aime de toute mon âme.

Oh, chers amis, que ne puis-je vous consoler ? Mais il n'y a qu'un consolateur, un seul ! C'est l'amour, la lumière, la vie, la voie, la vérité ; c'est lui qui est venu ouvrir la porte que le premier Adam avait fermée. La foi en lui peut seule vous consoler de cet ennui que je ne connais pas, mais que je ressens [illeg] As-tu vu Ballanche ?

Ce que tu me dis que son livre ne peut plus être bon à rien est une erreur de ton imagination frappée. Des idées comme celles de Ballanche, des sentiments aussi purs feront toujours du bien, malgré les oppositions que peuvent y apporter les circonstances.

Chers amis, je ne blâme pas l'intérêt que vous mettez à certaines choses.[368] Mais comparer l'importance des accidents du voyage à l'importance du but de ce voyage ! J'admire cependant tout ce que vous faites pour le soulagement de vos compagnons, qui souffrent avec nous dans le désert aride.

Chercher le bonheur ici-bas est la grande folie. C'est la grande source de toutes les folies. J'écrivais avant-hier à une amie qu'une manie bien générale parmi les hommes c'était de se croire médecin. Cependant ce n'est pas sans raison que cette manie est si générale. Si l'homme n'était pas destiné à être médecin, tant d'hommes ne se croiraient pas médecins parce qu'ils ont étudié [illeg]

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