From Claude-Julien Bredin   22 octobre 1824

[187] Lyon, 22 octobre 1824

[illeg] J'ai de tes nouvelles par Dupré. Je vois que tu ne lui as pas parlé de certaines choses ; je ne lui en ai rien dit non plus. Il ignorait de même que Barret soit à Paris 1 ; il le croit à cent lieues de cette ville. Il va souvent voir le père Roger 2 dans la maison même qu'habite Barret , il te voit souvent, il demande des nouvelles de Barret et on ne lui dit pas : Il est ici. Je [188] croyais être seul capable de semblables choses.

Mme Duval m'écrit qu'elle est désolée de ce qui t'est arrivé. Elle s'imagine que tu devrais voir M. Alexis de Noailles et qu'il te ferait rendre la place qui te convenait si bien. Depuis que M. Alexis était à Lyon, il y a dix ou douze ans, je n'ai pas entendu parler de lui. Ainsi je ne peux apprécier les vues de Mme Duval. Tout ce que je sais, c'est que MM. Rendu, de Mussy, Royer Collard, Cuvier, etc., feraient pour toi tout ce qu'ils pourront. Je ne te parle que de ceux-là ; mais, certainement, il doit y en avoir bien d'autres qui t'aideront s'il est possible. Peut-être te décourages-tu trop tôt ; peut-être ton imagination t'égare-t-elle ; peut-être n'as-tu pas consulté les personnes qui pourraient trouver quelque moyen de te tirer d'embarras ?Je ne regrette pas plus que toi les appointements ; mais ton temps, mais ta liberté, mais le pouvoir de travailler avec suite à la physique.

Si cela te manque aussi, Dieu soit loué ! Résignons-nous à sa sainte volonté ! Mais ne néglige rien de ce qui te regarde ! Aide-toi, le bon Dieu t'aidera, comme disait le bonhomme Richard. Quant à moi, je suis noyé dans une mer d'amertumes ; j'en suis abreuvé. C'est mon unique nourriture. J'ai vu Talma. Tu sais ce qu'est Talma pour moi. Cela aussi a été amertume pour moi. Adieu C-J Bredin

(1) Voir une lettre à Ballanche du 4 décembre 1824 (in Viatte, loc. cit, p. 218). Le jeune Ampère est arrivé ce matin... Son pauvre père est dans une terrible crise, nous avons beaucoup parlé de ses rapports avec Barret, j'ai cru devoir dire au fils toute ma pensée là-dessus. La Providence de Dieu fera le reste...
(2) Le père Roger, jésuite (1773-1839), ami de Bredin et de Ballanche, avec lequel Bredin avait en 1821 des controverses religieuses dans la maison du Sacré-Cœur où était élevée sa fille Pauline (in VIATTE, loc. cil., 155).

Please cite as “L931,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 26 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L931