From Jean-Firmin Demonferrand   27 août 1822

[212] Paris, le 27 août 1822
Monsieur,

Le silence de M. Pouillet et le mien cesseront de vous étonner quand vous apprendrez qu'il a été renvoyé d'une séance à l'autre et que ce n'est qu'hier qu'il a lu son mémoire. Je devais le voir dans la soirée pour qu'il me donnât quelques éclaircissements, mais je n'ai pas pu lui parler en particulier. Je crois qu'il se dispose à vous écrire et à vous donner un extrait raisonné de son mémoire. Ce que j'en ai saisi à la lecture, c'est que dans l'action d'un courant rectiligne indéfini sur un aimant, il regarde les deux pôles de l'aimant comme les centres d'action de deux forces agissant en raison inverse de la distance, perpendiculairement à la ligne qui joint chacun de ces pôles avec le milieu du courant. Il a développé un grand nombre de calculs et d'expériences desquels il conclut que dans toutes les positions de l'aiguille aimantée par rapport au conducteur indéfini, les mouvements irréguliers qu'on y observe, les changements d'attraction en répulsion et réciproquement, et les mouvements révolutifs observés par M. Faraday, ne sont que les résultats de l'action simultanée des forces qui s'exercent sur les deux pôles. Tout cela n'est comme vous le voyez que le développement de la loi de la raison inverse des distances observée par M. Biot. Mais les conséquences que l'auteur en déduit me paraissent inadmissibles. J'ai compris qu'il voulait faire considérer cette force perpendiculaire au rayon vecteur comme une force élémentaire et il annonce que c'est d'après cette [213] vue théorique qu'il va continuer ses recherches sur l'action mutuelle des courants. Je ne doute pas de l'existence de ces forces et de la direction qu'il leur applique, du moins j'attendrai que j'aie le mémoire entre les mains pour me former une opinion pour cette première partie du travail, mais quant à la seconde, cette force qu'il observe n'est qu'une résultante et non plus une force élémentaire, il en résulte seulement qu'il serait bien important pour votre théorie de pouvoir prouver que l'action d'un conducteur indéfini sur un courant circulaire est perpendiculaire à la ligne qui joint le centre du cercle et un certain point du courant que le calcul ferait connaître.

J'ai vu samedi dernier M. Gay-Lussac qui m'a dit qu'il venait de vous écrire pour vous annoncer que votre mémoire sera inséré dans les Annales, mais qu'on ne commencera pas à l'imprimer avant le 10 du mois prochain ; j'espère que vous serez de retour à cette époque, si cependant vos affaires vous retenaient plus longtemps à Lyon, je me conformerais scrupuleusement aux instructions que vous me donnez sur ce sujet.

Les trois premières planches de l'essai sur l'électrodynamique seront gravées à votre arrivée ici, mais j'attends pour la quatrième et dernière que je connaisse les expériences nouvelles dont vous m'avez parlé dans vos lettres ; je n'ai d'ailleurs pas pu faire chez vous quelques expériences indispensables pour ne pas imprimer quelque erreur de détail. On vous a sans doute écrit que François s'est en allé de chez vous. Avant son départ, j'avais essayé quelques expériences avec votre grande pile, mais je fus obligé d'y renoncer parce que l'eau se perdait de tous côtés. J'en empruntai une petite à M. Arago, mais en arrivant chez vous pour en faire usage, j'ai trouvé que l'eau acidulée était presque toute perdue et je n'ai rien pu faire. La pile est encore chez vous et nous servira pour les expériences nouvelles et pour les anciennes qui seraient à vérifier, du moins dans quelques uns de leurs détails.

M. Arago a fait il y a huit jours un rapport sur le dernier mémoire de M. Fresnel, le rapport sera imprimé dans les [214] Mémoires de la classe. On a arrêté hier sur la proposition de M. Gay-Lussac que l'on ne procéderait au remplacement de M. Delambre pour la place de Secrétaire perpétuel que dans la première semaine de novembre ; cette décision a été motivée par l'absence d'un grand nombre de membres et sur le départ prochain de plusieurs autres. Agréez Monsieur l'assurance du profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'être votre très humble serviteur. Demonferrand.

P.S. : On a chargé les professeurs de physique de[rédiger eux]-mêmes leur programme qui préalablement servira [illeg] les collèges royaux, je me suis chargé de rédiger la partie qu'on s'est obstiné à nommer électromagnétisme, quoique je n'aie pu être libre de le faire comme j'aurais voulu, néanmoins cette branche de la physique a pris place dans l'enseignement commun.

[215] A Monsieur Ampère, Inspecteur général de l'Université, chez M. Bredin à l'école royale vétérinaire, à Lyon

Please cite as “L961,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 26 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L961