To Clément    22 mai 1815

[1] Paris le 22 mai 1815
Monsieur,

M. Poisson et moi avons été chargés par la première classe de l'Institut de lui faire un rapport sur le mémoire que vous lui avez présenté 1 et qui a été lu dans sa séance ordinaire du 10 avril 1815. Nous avons en conséquence examiné ensemble ce mémoire, et nous avons cru, avant de faire le rapport, devoir vous communiquer les observations suivantes.

La méthode que vous proposez pour résoudre les équations algébriques de tous les degrés consiste 1° à exprimer l'inconnue d'une équation du degré n par la somme den 1 séries, en sorte qu'en représentant l'inconnue par x et ces différentes séries par z, z', z'', z''' &c., vous trouvez x = z + z' + z'' + z''' + &c.

Comme on sait exprimer la [2] même valeur par une seule série, les formules que vous obtenez ne pourraient être préférées aux méthodes d'approximation déjà connues qu'autant qu'on pourrait former ces séries. C'est bien aussi ce que vous vous proposez de faire, mais il nous a paru qu'il était aisé de démontrer qu'on ne pouvait y parvenir par les moyens que vous indiquez comme propres à atteindre ce but.

En effet, vous déduisez ces moyens de ce que vous pensez que z dépendra d'une équation qui ne pourra pas s'élever au dessus du degré (m), sans quoi dites-vous il y aurait plus de valeurs pour x. Or voilà ce qui est absolument contraire à la théorie de la résolution des équations algébriques, théorie bien établie à cet égard par les travaux des mathématiciens qui ont examiné cette question, et complétée par ceux de M. [3] de Lagrange. Il ne peut plus aujourd'hui rester aucun doute sur le degré de l'équation en z. Il est bien démontré, lorsque x est la racine d'une équation du degré (m), qu'on fait x = z + z' + z'' + z''' + &c. le nombre des quantités z, z', z'', z''' &c. étant ( m 1 ), que l'équation en z monte en général au degré marqué par le produit 1.2.3.4......(m), de tous les termes de la suite naturelle des nombres jusqu'à (m), et que ce produit est le nombre des valeurs dont z est susceptible au moyen d'une autre transformation. Vous changez ensuite, Monsieur, cette valeur de x en x = y m + y' m + y'' m + y''' m + &c. et vous dites que y ne sera susceptible que d'une valeur, tandis qu'il est rigoureusement démontré par la même théorie que le nombre des valeurs de y est alors 1.2.3.4...( m 1 ).

[4] Si x est par exemple la racine d'une équation du 5ème degré, et que l'on ait x = z + z' + z'' + z''', et x = y 5 + y' 5 + y'' 5 + y''' 5, z sera susceptible de 120 valeurs, et y de 24. L'équation en z sera du 120ème degré, et celle en y du 24ème.

Il s'en suit que quand en formant l'équation en y par une suite de multiplications, vous dites qu'il faut arrêter ces multiplications quand cette équation contient la puissance y m 1, et que vous en concluez que certains termes doivent disparaître d'eux-mêmes, pour que cette équation ait lieu, cette conclusion est absolument inadmissible, car ce ne serait qu'après que les multiplications successives auraient élevé [5] l'équation en y au degré 1.2.3.4...( m 1 ), auquel elle doit monter d'après la théorie, que les termes dont il s'agit devraient s'évanouir. Il est bien certain qu'ils disparaîtraient en effet dans ce cas, mais cela ne conduirait qu'à l'équation du degré 1.2.3.4...( m 1 ), à laquelle on a été constamment ramené dans toutes les recherches sur la solution générale des équations algébriques, et qui ne peut conduire à cette solution puisqu'elle est plus élevée que la proposée pour tous les degrés supérieurs au troisième.

J'ai l'honneur d'être, &c.

Les Procès-verbaux des séances de l'Académie des sciences mentionnent, à la séance du 10 avril 1815, la réception d'un mémoire de M. Clément, major d'artillerie sur la Résolution générale des équations.

Please cite as “L996,” in Ɛpsilon: The André-Marie Ampère Collection accessed on 29 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/ampere/letters/L996