Monsieur,
Je vous demande la permission de vous envoyer une note sur un reptile ancien qui semble intermèdiaire entre les vrais reptiles triasiques et les poissons dévoniens.2 Je saisis cette occasion pour vous remercier de la lettre que vous avez bien voulu m’envoyer, il y a quelques mois.3 J’ai été très honoré qu’un naturaliste aussi éminent que vous attache de l’intérêt à mes recherches sur les transitions des animaux fossiles. Ce n’est pas sans raison qu’on me range parmi vos admirateurs, car si je ne partage pas toutes vos vues pour l’explication des transformations des êtres, du moins ces transformations me paraissent chaque jour plus probables, et votre livre sur l’origine des espèces aura puisamment contribué à les mettre en relief.4 Je ne connais pas d’étude plus belle que celle de la filiation des êtres qui se développe pendant la durée indéfinie des âges, et je m’efforcerai d’apporter des preuves de cette filiation tirées de la paléontologie. Quant aux explications des transformations, j’évite de m’en occuper, parcequ’un sujet si difficile peut être abordé seulement par un naturaliste tel que vous, ayant une expérience consommée et une science très vaste. Je vous avouerai même qu’en étudiant l’embryogénie et en voyant qu’il y a bien des causes dont Dieu seul a le secret, je pense que, dans l’évolution des espèces comme dans l’embryogénie des individus, il y a des causes que les plus beaux génies ne sauraient découvrir.
Votre lettre m’a trouvé au Mt Léberon, près de Cucuron (Vaucluse) dans un gisement fort riche où on rencontre la même faune qu’à Pikermi. Je n’ai pas encore dégagé les ossemens que j’ai rapportés; mais ce que j’éntrevois déjà me fait penser que les animaux du Mt Léberon présentent de si légères différences avec ceux de Grèce qu’il est difficile de ne pas admettre entre eux des liens d’une réelle parenté, quoiqu’il n’y ait pas identité.5
Je serais bien heureux, Monsieur, si votre santé et vos grands travaux vous donnaient la possibilité de venir à Paris; je vous montrerais au jardin des plantes des fossiles qui me semblent de curieux intermédiaire.
Je vous prie d’agréer l’expression de mes sentiments les plus respectueux. | Albert Gaudry
12 Rue Taranne. Paris.
22 Mai 1867.
Sir,
Permit me to send you a work on an ancient reptile that seems intermediate between true Triassic reptiles and Devonian fish.2 I take advantage of this opportunity to thank you for the letter you were kind enough to send me a few months ago.3 I was very honoured that a naturalist as eminent as you should attach any interest to my research on the transitions of fossil animals. It is not without reason that I am regarded as one of your admirers, since, although I do not share all your views on the explanation of the transformations of living things, at least these transformations seem to me every day more probable, and your book on the origin of species contributed mightily to throw light on them.4 I do not know of a finer study than that of the descent of living beings that occurs during ages of indefinite extent, and I will endeavour to give evidence for this descent drawn from palaeontology. As far as explanations of the transformations are concerned, I avoid addressing them, because such a difficult subject can be approached only by a naturalist such as you, who has thorough experience and extensive knowledge. I will also admit that by studying embryogeny and by seeing that there are indeed causes of which God alone knows the secret, I think that both in the evolution of species and the embryogeny of individuals, there are facts that the greatest geniuses will not be able to discover.
Your letter found me on Mt Léberon, near Cucuron (Vaucluse) in a very rich fossil bed in which there is found the same fauna as in Pikermi. I have not yet cleaned up the bones that I have brought back, but what I can already see makes me think that the animals of Mt Léberon present such small differences from those of Greece that it is difficult not to admit some links of a real kinship, although they are not of identical parentage.5
I would be really pleased, dear Sir, if your health and your great works allowed you the opportunity to visit Paris; I would show you in the Jardin des Plantes some fossils which seem to me curiously intermediate.
Please accept the expression of my most respectful sentiments. | Albert Gaudry
12 Rue Taranne. Paris.
22 May 1867.
Please cite as “DCP-LETT-5546,” in Ɛpsilon: The Charles Darwin Collection accessed on