Jean Charles Athanase Peltier to Faraday   10 June 1845

Paris le 10 juin 1845

Je serais un grand coupable, Mon cher et très honoré Maître, si de trop graves et de trop puissantes raisons n'excusaient pas le long silence que j'ai gardé envers vous; mais une longue et très facheuse maladie, dont je ne puis me délivrer, m'accable depuis trois ans et a mis ma vie en danger pendant plus de 18 mois. C'est une maladie d'intestins, une névrose de l'intestin grêle, qui me tient ainsi dans un état de souffrance: des rechutes nombreuses s'opposent à ce que je puisse me livrer à des travaux continus. Du reste Mr. Boutigny1, mon ami, qui vous présentera cette lettre et vous remettra quelques unes de mes derniéres publications, pourra vous dire combien je suis souffrant la plupart du temps. Mr. Boutigny est un de nos savants les plus ingénieux, dont le nom vous est assurément connu; c'est l'auteur des belles expériences sur l'état sphéroidal des liquides2 et dont les recueils Scientifiques ont parlé plusieurs fois. Si vous desiriez voir ces expériences, je ne doute pas qu'il ne s'empressât de les répéter devant vous.

Votre lettre du 19 janvier 1843 contenait plusieurs observations fort judicieuses, auxquelles j'aurais repondu immédiatement, si la maladie ne m'avait tenu éloigné de tout travail sérieux pendant long temps. Lorsque un peu de mieux se fit sentir, j'employai tous mes moments loisibles à coordonner mes idées en un Résumé qu'on imprimera sous peu à Bruxelles dans les Mémoires couronnés de l'Académie3. j'avais vu la mort de si près que dans la crainte d'un retour de sa part, je voulais laisser ce document apr<gr>s moi, puisqu'il lierait les différentes idées que j'avais émises isolément dans mes publications éparses. Aussitôt qu'il sera imprimé, j'aurai l'honneur de vous l'offrir. On termine dans ce moment l'impression d'un Mémoire que j'ai envoyé à la même Académie; ce Mémoire traîte de la Cause principale de toutes les oscillations barométriques4. C'est un travail tout neuf, qui ne ressemble en rien aux essais antérieurs qu'un si grand nombre de physiciens ont produits; essais qui n'ont jamais pu lier les diverses perturbations du baromètre. j'espère vous l'envoyer dans un mois. Vous trouverez dans ces diverses publications les réponses aux remarques que vous m'adressiez: il serait donc inutile d'entrer dans des détails que vous trouverez plus développés dans ces publications.

La hardiesse de mes vues, leur éloignement aux idées reçues produiront quelques répulsions d'abord; mais j'en appelle à l'avenir, j'en appelle aux observations et aux expériences faites sans idées préconçues. Déjà, de celles que j'ai publiées depuis 4 et 5 ans, plusieurs avaient aussi été repoussées, telles que la division des vapeurs élastiques de l'atmosphère, en nuages transparents, en portions distinctes, dont les unes sont chargées d'électricité négative et les autres d'électricité positive. Depuis la publication de mon Traité des Trombes5 plusieurs physiciens observateurs sont parvenus au même résultat par des routes diverses, et l'existence de ces nues transparentes est maintenant reçue par un grand nombre de savants.

Il en a été de même de l'état électrique des nuages, lorsque j'ai dit que tout nuage gris est négatif et que tout nuage blanc est positif. Cela ne fait plus doute actuellement, pour qui a voulu répéter l'observation. Il en est encore ainsi du globe, comme corps chargé d'électricité negative, tandis que l'espace céleste ne possède aucune électricité, et joue par conséquent le rôle d'un corps chargé d'électricité positive envers le globe. Dans le mémoire que je vous enverrai, et dont vous trouverez un court abrégé6 dans un des articles que je vous envoie par M. Boutigny, vous verrez que pour moi il n'existe pas de fluide spécial, auquel on puisse donner le nom d'électricité: qu'il y a des phénomènes particuliers qu'on nomme électriques, mais que leur cause ne tient pas à un fluide particulier, mais à un état particulier de coercition ou de propagation du fluide universel que l'on nomme Ether. C'est là l'idée la plus hardie que j'aurai émise, et qu'on admettra, j'en ai la conviction, non à présent, mais d'ici à dix ans. Les faits, contraires aux fluides spéciaux, s'accumulent trop chaque jour, pour croire qu'il faudra un plus long temps pour démontrer la vérité de cette cause générale de tous les phénomenes électriques. Rappelez-vous tout ce qu'on a dit contre le résultat que j'avais obtenu, celui du froid par un courant électrique7. Quoiqu'il ne s'agissait que d'un fait que tout le monde pouvait vérifier, il a fallu trois ans pour le faire admettre; et cette admission n'a été complète que lorsque Mr. Lenz8 à [sic] fait congeler de l'eau par ce moyen9.

Je vois par vos beaux et incessants travaux, que vous avez repris toute votre santé, et que rien ne vous arrête plus dans les progrès que vous faites faire chaque jour à la science, recevez en mon sincère compliment, personne n'a pris plus de part que moi à vos souffrances, comme personne ne ressent plus de joie de vous savoir en parfaite santé: la science était en deuil pendant votre maladie, et elle a repris ses habits de fête depuis que vous êtes débarassé de toute souffrance.

Adieu, mon cher et digne Maître, Recevez l'assurance que personne n'a plus de vénération que moi pour votre beau talent et veuillez croire à la haute considération que vous porte | Votre tout dévoué Serviteur | Peltier

Rue Poissonnière 26.


Address: A Monsieur | Faraday, Professeur à l'institution | royale de Londres | a Londres

Paris, this 10 June 1845

I would be very guilty, My dear and most honoured Sir, if very grave and all too powerful reasons did not excuse the long silence that I have kept in your respect; but a long and serious illness, from which I cannot recover, has overwhelmed me this past three years and has put my life in danger for over 18 months. It is an intestinal illness, a neurosis of the small intestine which keeps me in this state of suffering: numerous relapses do not permit me to give myself to continuous work. Besides, Mr Boutigny10, my friend, who will give you this letter and some of my latest publications, will be able to tell you how much I suffer most of the time. Mr Boutigny is one of our most ingenious savants, and his name is assuredly known to you; he is the author of some lovely experiments on the spheroidal state of liquids11, of which the scientific papers have spoken several times. If you wish to see his experiments, I have no doubt that he would be happy to repeat them for you.

Your letter of 19 January 1843 contained several most judicious observations, to which I would have responded immediately, had the illness not barred me for a long time from any serious work. As soon as I felt a little better, I used all my free time to coordinate my ideas into a Resumé which is shortly to be printed in Brussels in the Mémoires couronnés of the Académie 12. I had seen death from so near that fearing its return I wanted to leave this document behind me, since it would bring together the different ideas that I had put forward in my sparse publications. As soon as it is printed, I shall have the honour of offering it to you. The printing of a paper I sent to the same Académie is near completion; this paper deals with the principal cause of all oscillations of the barometer13. It covers completely new ground, which in no way resembles the former attempts made by such a large number of physicists; attempts that were never able to link all the different movements of the barometer. I hope to send it to you within a month. You will find in these diverse publications the responses to the remarks that you sent me: it would thus be futile to enter into the details that you will find further developed in these publications.

The boldness of my views, their distance from accepted ideas will produce some objections at first; but I appeal to the future, I recall the observations and experiments made without preconceived ideas. In the past, of those which I published four or five years ago, many had been rejected, such as the division of the elastic gases of the atmosphere into transparent clouds and into distinct portions, of which some are charged with negative electricity and some with positive electricity. Since the publication of my Traité des Trombes 14, several physics observers have come to the same conclusions by different routes, and the existence of these transparent masses is now accepted by a great number of savants.

It was the same with the electric state of clouds, when I said that all grey clouds are negative and all white clouds are positive. That is now no longer in doubt, for those who have repeated the observations. It is also so with the globe, as a body charged with negative electricity, whilst the celestial space possesses no electricity, and thus plays the role of a body charged with positive electricity in respect of the globe. In the paper I shall send you, and of which you will find a synopsis15 in the papers I am sending through Mr Boutigny, you will see that, for me, there exists no special fluid to which one can give the name electricity: that there are particular phenomena that one calls electrical, but that their cause has nothing to do with a particular fluid but with a particular state of coercion or the propagation of universal fluid that is called Aether. That is the most daring idea that I have put forward, and which will be accepted, I am convinced, not now, but in ten years' time. Too many facts against special fluids are mounting up every day, in order to believe that it will require a longer period of time to demonstrate the truth of this general cause of all electrical phenomena. Cast your mind back to all that was said against the result I had obtained, that of cold by an electric current16. Although it was a fact that anyone could have verified, it took three years for it to be accepted; and that acceptance was only completed when Mr Lenz17 froze water by this means18.

I see by your beautiful and unceasing works that your health is completely restored, and that nothing holds you back in the progress that you make in science; please accept my sincere compliments, since nobody shared more than me in your suffering, and no one feels more joy at the thought of your being in perfect health: science mourned during your illness, and she has put on her party clothes since you shook off all suffering.

Adieu, my dear and noble Sir. Please accept the assurance that no-one venerates your great talent more than me and please believe the high consideration that I have for you | your completely devoted Servant | Peltier

Rue Poissonnière 26

Pierre Hippolyte Boutigny (1798-1884, Oursel (1886), 1: 127). French pharmacist.
Boutigny (1845).
Peltier (1845b).
Peltier (1845a).
Peltier (1840a).
Peltier (1844).
Peltier (1834).
Heinrich Friedrich Emil Lenz (1804 -1865, DSB). Russian physicist.
Lenz (1838), 342-5.
Pierre Hippolyte Boutigny (1798-1884, Oursel (1886), 1: 127). French pharmacist.
Boutigny (1845).
Peltier (1845b).
Peltier (1845a).
Peltier (1840a).
Peltier (1844).
Peltier (1834).
Heinrich Friedrich Emil Lenz (1804 -1865, DSB). Russian physicist.
Lenz (1838), 342-5.

Bibliography

LENZ, Heinrich Friedrich Emil (1838): “Einige Versuche im Gebiete des Galvanismus”, Pogg. Ann., 44: 342-9.

OURSEL, Noémie Noire (1886): Nouvelle Biographie Normande, 4 volumes, Paris.

PELTIER, Jean Charles Athanase (1834): “Nouvelles Expériences sur la Caloricité des courans électriques”, Ann. Chim., 56: 371-86.

PELTIER, Jean Charles Athanase (1840a): Météorologie. Observations et recherches expérimentales sur les causes qui concourent à la formation des trombes, Paris.

PELTIER, Jean Charles Athanase (1844): “Essai de coordination des causes qui précédent, produisent et accompagnent les phénomènes électriques”, Bull. Acad. Sci. Bruxelles, 11: 31-4.

PELTIER, Jean Charles Athanase (1845a): “Recherches sur la cause des variations barométriques”, Mém. Couronn. Acad. Sci. Bruxelles, 18. [Separately paginated].

PELTIER, Jean Charles Athanase (1845b): “Essai sur la coordination des causes qui précédent, produisent et accompagnent les phénomènes électriques”, Mém. Couronn. Acad. Sci. Bruxelles, 19. [Separately paginated].

Please cite as “Faraday1746,” in Ɛpsilon: The Michael Faraday Collection accessed on 28 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/faraday/letters/Faraday1746