Arthur-Auguste De La Rive to Faraday   25 December 1845

Genève le 25 Xbre 1845

Monsieur & très excellent ami,

Je viens vous remercier de tout mon coeur de votre bonne lettre du 4 Xbre1 - Vous êtes bien aimable d'avoir trouvé le moyen de m'écrire au milieu de toutes vos occupations & j'en suis bien reconnaissant.

Je n'ai encore eu connaissance de votre première découverte que par l'extrait de votre Mémoire que renferme l'Athenaeum2, extrait qui n'est pas très clair & qui me parait incomplet. - Cependant d'après ce que j'en ai compris, je n'ai pas, je l'avoue, tiré de vos admirables recherches les mêmes conclusions que vous. - Si i'ai bien compris, l'action des electroaimants, des courants électriques & des aimants ordinaires consiste en ceci qu'elle change le plan de polarisation de certains corps sur lesquels elle s'exerce. Vous n'avez pas encore trouvé, à ce que je crois, que cette action eut lieu sur de la lumière transmise dans le vide ou par un corps transparent quelconque. - J'en conclus que l'action dont il s'agit s'exerce non sur la lumière, mais sur les corps qui la transmettent, de façon qu'en modifiant pendant qu'elle a lieu leur structure moléculaire, elle change leurs propriétés optiques & parconséquent leurs plans de polarisation. Ce serait ici un effet physique analogue à l'effet chimique qui résulte dans les expériences de Mr. Biot de la dissolution de certains sucres ou de certaines substances végétales en plus ou moins grande proportion3. On sait qu'il en résulte des changements dans les plans de polarisation. Qu'un changement dans la structure moléculaire des corps résulte de l'action qu'exercent sur eux un électroaimant ou les courants électriques, c'est ce qu'est mis en évidence, à ce que je crois, les experiences dans lesquelles j'ai réussi à mettre en vibration un grand nombre de corps, même du bois, en les soumettant à l'action discontinue de forts électroaimants & de forts courants électriques. C'est ce que vous trouverez dans la lettre que j'ai adressée à Mr. Arago & qui a été imprimée dans les Comptes rendus de l'Académie des Sciences d'Avril 18454. Or si cette action discontinue met tous les corps en vibration, il est évident que ce ne peut être qu'en modifiant leur structure moléculaire d'une manière passagère, & parconséquent elle doit la modifier d'une manière permanente si elle est ellemême continue.

A l'appui de ma manière de voir, j'invoquerai encore vos propres expériences dont vous me parlez dans votre lettre. - Le fait qu'un électroaimant exerce une action directe sur les mêmes substances dans lesquelles vous avez observé cette action sur la lumière qui les traverse, prouve que ces vibrations ne sont pas par elles-mêmes & indépendamment de la lumière qu'elles transmettent indifferentes à cette action. N'est-il donc pas plus naturel de croire que le phénomène que vous avez observé est du à une modification dans la structure moléculaire du corps plutôt qu'à une action directe exercé sur la lumière qui la traverse? - Je vous soumets ces reflexions qui peut-être tomberont devant une connaissance plus approfondie de vos recherches que je ne connais encore que d'une manière très imparfaite. Si, après en avoir pris une plus ample connaissance, je persiste dans cette manière de voir, je chercherai à vérifier ma conjecture par quelques expériences faciles à imaginer & je vous en soumettrai les résultats, comme je vous soumets dés à présent l'idée que je viens de vous énoncer. - Je vous prie en grâce d'avoir l'extrême bonté de prendre la plume pour me dire en quatre mots seulement ce que vous en pensez, afin que je ne m'en occupe pas davantage si vous me démontrez, comme c'est possible, qu'elle ne mérite pas qu'on s'y arrête.

Permettez-moi, Monsieur & très cher ami, de vous dire à l'occasion des faits intéressants dont vous me parlez dans votre lettre, que j'ai publié en 1829 dans le T. 40ème de la première série de la Bibl. Univ. p. 825, des experiences assez analogues aux votres faites par Mr Le Baillif à Paris & dont je fus témoin ainsi que Mr Colladon, Mr Savary6 & je crois Mr Becquerel. Vous verrez que Mr Le Baillif avait très bien démontré la répulsion qu'exercent le bismuth & l'antimoine sur l'aiguille aimantée. Il est vrai que votre expérience est plus générale & qu'elle est faite sur une plus grande échelle. Cependant le fait observé par Mr Le Baillif était très net & trés prononcé. Il ne vous en reste pas moins l'immense mérite d'avoir mis ce fait hors de doute, de l'avoir généralisé & d'en avoir trouvé les lois; mais je crois qu'il revient une part de l'observation primitive à Mr Le Baillif & j'ai présumé vous être agréable en vous en prévenant.

A cette occasion saurez-vous me dire pourquoi le Phil.Mag. se montre si exclusif à l'égard de nos travaux? Je n'ai pas eu l'honneur depuis bien des années d'y voir insérer une seule de mes recherches. - En particulier il n'a pas dit un mot de mon travail sur les vibrations des corps par l'action des courants électriques, travail qui a pourtant paru dans les Comptes rendus7 & dans les Archives de l'Electricité8 & que les Annales de Chimie ont trouvé convenable de reproduire9. Il n'a pas non plus dit un mot des expériences que nous avons faites Mr Marignac & moi sur l'ozone 10 & notamment de celle dans laquelle nous produisons de l'ozone en faisant passer une série d'étincelles électriques à travers de l'oxigène parfaitement sec & pur. - En général il nous laisse complètement de côté & je crois que je ferai mieux de ne plus adresser nos journaux scientifiques à ces Messieurs. - J'ignore les motifs qu ils ont d'agir ainsi à notre égard, mais, en tout cas, ce n'est pas aimable. Pardonnez moi ma petite boutade; mais vous êtes vous si bon si juste & si bienveillant pour nous & pour moi en particulier que j'ai pris la liberté de vous faire part de notre mécontentement afin que dans l'occasion vous ayez la bonté d'y avoir égard. - Je termine en vous demandant deux services: le premier de vouloir bien quand vous arriverez à quelques résultats intéressants, m'en faire part comme vous avez eu l'extrême bonté de le faire cette fois; le second, de m'expédier le plus vite que vous pouvez votre mémoire afin que nous puissions le traduire immédiatement & avoir le mérite de le faire connaitre les premiers sur le Continent11.

Je vous en prie n'oubliez pas de me rendre ce service. - Il me reste à vous prier de présenter mes compliments respectueux à Made Faraday & de me croire votre tout dévoué & tendrement affectionné

A. de la Rive


Address: Monsieur Faraday | Associe etranger de l'Institut | de France &c &c | Royal Institution | Albemarle Strt | Londres

Geneva | 25 December 1845

Sir and Most Excellent Friend,

I come to thank you from the bottom of my heart for your good letter of 4 December12. You are very kind to have found the time to write to me, despite all your duties and I am most grateful for it.

I do not as yet have any knowledge of your first discovery except through the extract of your paper in the Athenaeum 13, an extract which is not very clear and which seems incomplete to me. However, from what I have been able to understand, I have not, I admit, drawn from your remarkable research the same conclusions as you. If I understand correctly, the action of electromagnets, of electric currents and ordinary magnets consists in changing the plane of polarisation of certain bodies on which it acts. You have not yet found, from what I believe, that this action took place on light transmitted in a vacuum or by any transparent body. I conclude that the action in question is exercised not on the light but on the bodies that transmit it, in such a way that modifying their molecular structure whilst it takes place, it changes their optical properties and consequently the planes of polarisation. This would be a physical effect analogous to the chemical effect that is found in Mr Biot's experiments, where he dissolved certain sugars or certain vegetable substances in greater or smaller proportions14. That a change in the molecular structure of bodies results from the action that is exerted on them by an electromagnet or electric currents, is shown, I think, by the experiments in which I managed to vibrate a great number of things, even wood, by submitting them to the discontinuous action of strong electromagnets and strong electric currents. This is what you will find in my letter to Mr Arago, which was printed in the Comptes rendus of the Académie des Sciences of April 184515. Now if this discontinuous action vibrates all bodies, it is evident that that can only be by modifying their molecular structure in a transitory way and consequently it must modify it in a permanent way if it is itself continuous.

To support my view, I would invoke the very experiments that you mention in your letter. The fact that an electromagnet exerts direct action on the substances in which you have observed this action on the light that is transmitted through them, proves that these vibrations are not themselves, independently of the light that they transmit, indifferent to this action. Is it not more natural to believe that the phenomenon that you have observed is due to a modification in the molecular structure of the body rather than in direct action exerted on the light that is transmitted through it? I submit these reflections, knowing that perhaps they will fall with a deeper knowledge of your research that I know only in a very imperfect way. If, after getting to know it better, I persist in this view, I shall try to verify my conjecture by some simple experiments and I shall submit the results to you, as I have submitted to you today the idea that I have just expressed. I beg you kindly to take up your pen and tell me in a few words what you think of this, so that I do not waste any time on it if you can show me, which is possible, that it does not merit any attention.

Allow me, Sir and very dear friend, to tell you on the occasion of the interesting facts of which you speak in your letter, that I published in 1829 in Volume 40 of the first series of the Bibliothèque universelle, page 8216, some quite similar experiments to yours by Mr Le Baillif from Paris, which I witnessed along with Mr Colladon, Mr Savary17 and Mr Becquerel, I think. You will see that Mr Le Baillif demonstrated very well the repulsion that is exerted on a magnetised needle by bismuth and antimony. It is true that your experiment is more general and that it is done on a much larger scale. However, the fact observed by Mr Le Baillif is very neat and very pronounced. That is not to lessen your great merit in establishing this fact without any doubt, in generalising it and finding its laws; but I believe it comes back to an observation made first by Mr Baillif and I hope you do not mind my pointing this out to you.

On this occasion, would you be able to tell me why the Phil. Mag. is so exclusive when it comes to our work? I have not had the honour of seeing any of my research included for some years. In particular it has not mentioned a word of my work on the vibrations of bodies by the action of electric currents, work which has appeared both in the Comptes rendus 18 and in the Archives de l'Electricité 19 and that the Annales de Chimie have found suitable to reproduce20. Neither has it said anything of the work carried out by Mr Marignac and myself on ozone 21 and notably of the fact that we produced ozone by passing a series of electric sparks through perfectly dry and pure oxygen. In general it leaves us completely on one side and I think it would be best if I no longer addressed our scientific papers to these Gentlemen. I do not know why they behave in this way towards us, but in any case, it is not charitable. Please excuse my little complaint; but you are so just and kind towards us and towards me in particular that I have taken the liberty of making you party to our discontentment so that if you have an opportunity, you can look into it. I finish by asking you two favours: firstly, when you arrive at some interesting results, to let me know of them, as you have done this time; and secondly, to send me your paper as quickly as you can so that we can translate it immediately and have the merit of being the first to make it known on the Continent22.

I ask you not to forget to do me this service. It remains for me to ask you to present my respectful compliments to Mrs Faraday and to believe me your totally devoted and tenderly affectionate | A De la Rive.

An account of the readings of Faraday (1846b), ERE19 was published in Athenaeum, 6 December 1845, p.1176.
Biot (1817).
De La Rive (1845a).
Le Baillif (1829).
Félix Savary (1797-1841, P2). French physicist.
De La Rive (1845a).
De La Rive (1845b).
De La Rive (1846).
Marignac (1845).
Faraday (1846g), ERE19.
An account of the readings of Faraday (1846b), ERE19 was published in Athenaeum, 6 December 1845, p.1176.
Biot (1817).
De La Rive (1845a).
Le Baillif (1829).
Félix Savary (1797-1841, P2). French physicist.
De La Rive (1845a).
De La Rive (1845b).
De La Rive (1846).
Marignac (1845).
Faraday (1846g), ERE19.

Bibliography

BIOT, Jean-Baptiste (1817): “Mémoire sur les rotations que certaines substances impriment aux axes de polarisation des rayons lumineux”, Mém. Acad. Sci., 2: 41-136.

DE LA RIVE, Arthur-August (1845a): “Sur les mouvements vibratoires que déterminent dans les corps, soit la transmission des courants électriques, soit leur influence extérieure”, Comptes Rendus, 20: 1287-91.

DE LA RIVE, Arthur-August (1845b): “Des mouvements vibratoires qui déterminent dans les corps, et essentiellement dans le fer, la transmission des courants électriques et leur action extérieure”, Arch. Elec., 5: 200-32.

DE LA RIVE, Arthur-August (1846): “Des mouvements vibratoires qui déterminent dans les corps, et essentiellement dans le fer, la transmission des courants électriques et leur action extérieure”, Ann. Chim., 16: 93-127.

FARADAY, Michael (1846b): “Experimental Researches in Electricity. - Nineteenth Series. On the magnetization of light and the illumination of magnetic lines of force”, Phil. Trans., 136: 1-20.

FARADAY, Michael (1846g): “Sur la magnétisation de la lumière et l'élairement des lignes de force magnétique”, Bibl. Univ. Arch., 1: 385-416.

LE BAILLIF, Alexandre-Claude-Martin (1829): “Répulsion magnétique de l'antimoine et du bismuth”, Bibl. Univ., 40: 82-3.

MARIGNAC, Jean Charles Galissard de (1845): “Sur la production et la nature de l'ozone”, Comptes Rendus, 20: 808-11.

Please cite as “Faraday1809,” in Ɛpsilon: The Michael Faraday Collection accessed on 1 May 2024, https://epsilon.ac.uk/view/faraday/letters/Faraday1809