Macedonio Melloni to Faraday   14 January 1850

Naples le 14 du 1850

Cher et illustre ami!

Vous recevrez par la voie de M. H. Bossange1 commissionnaire à Paris plusieurs exemplaires de mon premier volume sur la thermochrôse 2: ayez la bonté de les faire parvenir à leurs addresses et d’accueillir avec bienveillance celui qui vous est destiné. La préface vous dira le but de l’ouvrage; le resumé vous presentera le tableau des principaux résultats qu’il contient; et la table raisonnée vous apprendra l’ordre et la distribution des matières.

Aussi n’aurais-je rien à ajouter sur ce travail s’il ne s’agissait que des seuls intérêts scientifiques. Mais, comme d’autres intérêts pourraient s’y rallier et réagir, en quelque sorte, sur les progrès de la branche de physique dont il est question dans mon livre, permettez-moi, de grace, quelques remarques.

D’abord, ce n’est pas une compilation de mes précédents mémoires sur la chaleur rayonnante; mais un choix de certaines parties de ces mémoires modifiées par plusieurs séries d’expériences inédites et de nombreuses additions de faits entièrement nouveaux: Ce tout réuni en un seul corps de doctrine fondé sur des preuves expérimentales et des argumentations que je crois tout-à-fait rigoureuses. J’ajouterai que quelquesunes des nouvelles expériences décrites dans mon ouvrage me paraissent d’une importance capitale; et peut-être votre opinion ne s’écartera-t-elle par beaucoup de la mienne, lorsque vous aurez pris connaissance de la méthode indiqueé page 129 et suivantes pour démontrer que le thermomulplicateur donne les véritables rapports d’energie entre les rayons calorifiques, et que vous aurez examiné l’artifice employé pour prouver que toute sorte de chaleur rayonnante subit à la surface des appareils thermoscopiques noircis le même degré d’absorption <(104)>.

Vous trouverez de nombreuses innovations dans le 5me § du Chap IV qui traite de l’action des couleurs proprement dites sur la transmission rayonnante de la chaleur. Le 2d et 3me § du même chapitre vous offriront des preuves irréfragables de l’existence de la thermochrôse dans les rayons calorifiques et les milieux susceptibles de la transmettre en conservant leur forme rayonnante. Je signalerai enfin à votre attention les théorèmes de l’hétérogénéité des flux de chaleur obscure qui forment la totalité des radiations des corps chauffés à de basses températures, et la grande majorité du rayonnement des flammes et des corps incandescents (pag. 290, 306 et suiv). Ces flux hétérogènes de chaleur obscure constituent, comme vous verrez, (§ 4 du Chap IV) la base fondamentale sur laquelle je m’appuie pour montrer que le rayonnement lumineux et le rayonnement calorifique possèdent la mème constitution, dérivent d’un agent unique, et forment une suele série de radiations, dont une partie opère sur l’organe de la vue, et l’autre ne se devoile à nos sens que par les phénomènes qui accompagnent l’echauffement des corps - Je ne sais si je me trompe - Mais une théorie diametralement opposée à celle que m’avaient suggerée les résultats de mes premières recherches sur la chaleur rayonnante, une théorie qui convertit en autant d’arguments favorables les singulières oppositions observées entre la transmission calorifique et la transmission lumineuse justifie, mieux que toute autre chose, la nouveauté des éléments scientifiques contenus dans mon livre: car tous les auteurs de physique que j’ai pu consulter gardent encore la silence sur la portée des différences présentées par les deux transmissions, ou leur donnent une interpretation contraire à ma manière de voir.

Maintenant, savez-vous pourqoi j’insiste tant sur tout cela? ... Parceque, après avoir acquis, par un travail assidu, une position sociale tolerable, j’en ai été injustement privé <3> et que vous pouvez contribuer indirectement à diminuer, et peut-être même à reparer tout à fait les caprices du sort, en me proposant de nouveau pour la médaille de Rumford4. Cette médaille a été la première cause du succès qu’ont obtenu mes études sur la chaleur rayonnante, et vous verrez dans mon introduction que je ne le cache pas au public. Je ne sais quel secret pressentiment me dit qu’en m’honorant une seconde fois de ce haut temoignage de son estime la Société Royale de Londres arrêtera les persécutions intentées contre moi, m’ouvrira l’accès à quelque place nouvelle, et me donnera ainsi la tranquillité d’esprit et les moyens indispensables pour continuer mes recherches sur l’Optique calorifique - Ces dernières expressions vous disent assez clairement, mon illustre confrère et ami, que tout en ayant besoin de votre assistance je ne pretends pas invoquer les seuls secours de l’amitié - les titres scientifiques d’abord - les sentiments après - La recompense à laquelle j’aspire ne me porterait point bonheur, si elle ne venait qu’à la suite d’une operation de camaraderie - Je désire bien ardemment que vous trouviez le tems et la volonté de lire mon petit volume, pour vous assurer s’il satisfait, comme je le crois, aux conditions exigées par le programme de Rumford ... Mais dans le cas où cela ne pût avoir lieu, je vous prierais de charger de cette mission l’un de vos plus savants collegues, tels que M. Herschel par exemple, et de n’avancer votre proposition au Comité qu’après vous être intimement convaincu de la verité des faits énoncés - Ici se termine mon rôle d’avocat ... il ne me reste plus qu’à vous souhaiter toute sorte de bonheure, à renouveller les voeux tant de fois émis pour le retablissement complet de votre santé: Si éminemment utile au véritable progrès de la science, et à me [MS torn] avec toute l’effusion du coeur votre très affec. et très reconn serviteur et ami Macédoine Melloni

P.S. En présentant l’exemplaire destiné à l’Institution Royale veuillez avoir la bonté de l’accompagner avec mes plus vifs remercîments pour la haute marque d’estime qu’elle a bien voulu m’accorder. La lettre de Mr J. Barlow qui m’annoncait ma nomination d’associé étranger d’une Corporation, rendue si celebre par vos immortelles découvertes, ne m’a été remise que fort tard5, à cause des troubles politiques et des nombreux changements qui sont succedés en un très court espace de tems dans le personnel de notre Ministère des affaires étrangères - Je ne voudrais pas que mon silence m’eût fait passer aux yeux de vos heureux auditeurs comme sottement orgueilleux ou malhonnête ... Dites-leur, je le repète, que j’ai été on ne peut plus sensible à l’honneur reçue, et que je leur en serai toujours reconnaissant. Parmi les papiers que M. Barlow a eu la complaisance de m’envoyer j’y trouve un catalogue qui contient (en 1849) les noms de deux napolitains morts depuis quelques années - ce sont les cav. Monticelli 6 et Sementini 7. Veuillez en avertir l’Administration de l’Institution afin qu’on puisse les effacer du catalogue de l’année courante.

<8> Pour vous prouver en quelques mots l’injustice de ma destitution et de l’ordre d’exil porté contre moi et suspendu par l’intercession de l’Ambassadeur de Prusse, il suffira de dire, que pendant le Gouvernement des deux années qui viennent de s’écouler, j’ai refusé, sous trois Ministères les honneurs de la Vice-présidence de l’Instruction publique, et repoussé les offres de naturalisation napolitaine, afin d’éviter la probabilité de ma nomination de pair ou de député. Je voulais eviter jusqu’au soupçon d’aspirer à sortir de la position scientifique que je devais aux bons offices de Mes. Humboldt et Arago près le Roi de Naples9 ... Vous voyez que ma delicatesse a reçu une fort belle recompense! Ce Pays fourmille de gens intrigants, ignorants et bassement envieux: l’un d’eux, tout puissant aujourd’hui dans la Camarilla, aspirait à une place d’Académicien qu’il ne pût obtenir, et s’imagina avoir manqué le coup à cause de mon vote contraire. Voilà, dit-on, l’origine de ma disgrace.


Address: A Monsieur | Monsieur Michel Faraday | des Sociétés Royales de Londres et d’Edimbourg. | de l’Institut de France, des Académies R. I.| de Berlin, Turin, Stokholm, St Petersbourg && | A l’Institution Royale | Londres

TRANSLATION<qr>Naples 14th day of 1850

Dear and illustrious friend,

You will receive via M. H. Bossange10, [my] agent in Paris, several copies of my first volume on the thermocouple 11: please be good enough to send them on to their addressees and to receive kindly the one which I intended for you. The preface will tell you what the work aims to achieve; the summary will present a table of the principal results contained in the work; and the contents will tell you the order and distribution of the subjects.

I would also have nothing to add to this work if it were solely a question of scientific interest. But, since other interests could be won over and react, so to speak, to the progress of the branch of physics which is dealt with in my book, permit me, I beg you, a few comments.

Firstly, this is not a compilation of my previous papers on radiant heat; but a selection of various parts of these papers, modified by several series of unpublished experiments and numerous additions of entirely new facts: all this is brought together in one sole body of doctrine based on experimental proofs and arguments that I believe to be of the utmost rigour. I would add that some of the new experiments described in my work seem to me to be of fundamental importance; and perhaps your opinion will not be very different from mine, when you have become familiar with the method, indicated on page 129 et seq, to show that the thermomultiplier gives accurate measures of energy from radiant heat, and when you have examined the ingenious device used to prove that all types of radiant heat subject the surface of blackened thermoscopic instruments to the same degree of absorption <(104)>.

You will find numerous innovations in the 5th section of Chapter IV which deals with the action of actual colours on the transmission of radiant heat. The 2nd and 3rd sections of the same chapter will offer you unassailable proofs of the existence of a thermal link between heat rays and the media likely to transmit them in their radiant form. Finally I would like to draw to your attention the theorems on the heterogeneity of the fluxes of dark heat, which include all the radiations of materials heated to low temperatures, and the greatest majority of the radiation of flames and incandescent materials (pages 290, 306 et seq). These heterogeneous fluxes of dark light constitute, as you will see, (section 4 of Chapter IV) the fundamental base on which I rely to show that light rays and heat rays possess the same constitution, derive from a single agent, and form a single series of radiations, of which one part operates on the eye and the other becomes apparent to our senses only by the phenomena that accompany the heating of materials - I do not know if I am wrong - but a theory diametrically opposed to that suggested by the results of my first researches into radiant heat, a theory which converts into so many favourable arguments the singular oppositions observed between the transmission of heat and the transmission of light, justifies more than any other thing, the newness of the scientific elements contained in my book: for all the authors on physics that I have been able to consult are still silent on the significance of the differences presented by the two transmissions, or give them an interpretation contrary to my view.

Now, do you know why I insist so much on all that? ... Because, after having acquired, through hard work, a tolerable social position, I had it unjustly taken away from me <12> and that you can contribute indirectly to diminish and perhaps even to repair completely the whims of fate, by proposing me once again for the Rumford medal13. This medal was the primary cause of the success obtained by my studies on radiant heat and you will see from my introduction that I do not hide this fact from the public. I do not know what secret presentiment tells me that in honouring me a second time with this high testimony of its esteem, the Royal Society of London will stop the persecution instituted against me, will open up access to some new place and will thus give me the peace of mind and the indispensable means to continue my research on heat optics. These last expressions tell you clearly enough, my illustrious colleague and friend, that although I am in need of your help, I do not pretend to invoke merely the assistance of friendship - scientific titles first - feelings after. The recompense to which I aspire would not bring me happiness if it was merely an expression of friendship. I ardently desire that you find the time and the will to read my little volume, to assure yourself that it satisfies, as I believe it does, the conditions required for the Rumford medal. But if that is not possible, I would ask you to put in charge of this mission one of your wisest colleagues, such as Mr. Herschel, and not to advance your proposition to the Committee until after you had intimately convinced yourself of the truth of the stated facts - Here I end my role as lawyer ... I have but to wish you every sort of happiness, to renew the wishes that I have so many times expressed for the complete restoration of your health, which is so eminently necessary for the true progress of science and to [MS torn] with all the affection of my heart your very affectionate and very grateful Servant and friend Macédoine Melloni

P.S. When you present the copy destined for the Royal Institution, please have the kindness to accompany it with my most sincere thanks for the high mark of esteem that it has wished to accord me. Mr Barlow’s letter which announced my nomination as Foreign Associate of an institution rendered so famous by your immortal discoveries, was given to me but recently14, due to political troubles and numerous changes that occurred in a very short space of time in the personnel of our Ministry of Foreign Affairs - I would not like my silence to be interpreted by your happy listeners as foolish pride or dishonesty ... Tell them, I repeat, that I could not have been more touched by the honour I received and that I shall always be grateful for it. Amongst the papers that M. Barlow very kindly sent me, is a list which contains (in 1849) the names of two Neapolitans who died several years ago - they are Messrs Monticelli 15 and Sementini 16. Please bring this to the attention of the Administration of the Institution so that they can be eliminated from this year’s list.

17 To prove to you in a few words the injustice of my destitution and of the exile order made out against me and suspended through the intercession of the Ambassador of Prussia, it will be enough to say that during the Government of the past two years, I refused, under three Ministers, the honour of the Vice Presidency of Public Education, and I rejected offers of Neapolitan naturalisation, in order to avoid the probability of being nominated a peer or a deputy. I wanted to avoid the tiniest suspicion of aspiring to leave the scientific position which I owed to the good offices of Messrs Humboldt and Arago with the King of Naples18 ... You see that my care has received a very beautiful recompense! This country swarms with plotters, ignorant people and those who are basely envious: one of them, all powerful today in the Camarilla, aspired to a place in the Academy which he could not obtain and he has imagined that he was not nominated because I voted against him. There, they say, is the origin of my disgrace.

Unidentified.
Melloni (1850).
Unidentified.
Melloni had won the Rumford medal in 1835. See Melloni to Faraday, 27 December 1834, letter 750, volume 2. He was not awarded it again, and indeed was not considered. See RS CM 14 November 1850, 2: 165-6.
Melloni was elected an Honorary Member of the Royal Institution on 5 June 1849, RI MS GM 5: 482. Faraday was one of his proposers.
Teodoro Monticelli (1759-1845, LUI). Chemist and geologist in Naples.
Luigi Sementini (1777-1847, P2). Professor of Chemistry at Naples.
Unidentified.
Ferdinand II (1810-1859, DBI). King of Naples, 1830-1859.
Unidentified.
Melloni (1850).
Unidentified.
Melloni had won the Rumford medal in 1835. See Melloni to Faraday, 27 December 1834, letter 750, volume 2. He was not awarded it again, and indeed was not considered. See RS CM 14 November 1850, 2: 165-6.
Melloni was elected an Honorary Member of the Royal Institution on 5 June 1849, RI MS GM 5: 482. Faraday was one of his proposers.
Teodoro Monticelli (1759-1845, LUI). Chemist and geologist in Naples.
Luigi Sementini (1777-1847, P2). Professor of Chemistry at Naples.
Unidentified.
Ferdinand II (1810-1859, DBI). King of Naples, 1830-1859.

Bibliography

MELLONI, Macedonio (1850): La thermochrôse, ou la coloration calorifique démontrée par un grand nombre d’expériences, et considérée sous ses divers rapports avec la science de la chaleur rayonnante, Naples.

Please cite as “Faraday2255,” in Ɛpsilon: The Michael Faraday Collection accessed on 19 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/faraday/letters/Faraday2255