Arthur-Auguste De La Rive to Faraday   6 February 18541

Geneve | le 6 janvier [sic] 1854

Monsieur & très cher ami,

Je ne puis vous dire combien j’ai été sensible à votre bon souvenir. Votre lettre2 m’a profondément touché. Il est si rare de voir des hommes de Science comme vous, mettre audessus de tout, les sentiments élevés de l’âme & les espérances éternelles, que rien ne peut faire autant de bien à un coeur affligé comme le mien, que des paroles comme celles que vous voulez bien m’adresser. Voilà bientôt quatre années que ma vie a été brisée & mon isolement m’est toujours plus pénible, non pas que je ne sois entouré d’enfants grands & petits aussi aimables que possible; mais il me manque cette compagne3 confidante de toutes mes impressions, de mes soucis comme de mes jouissances, que rien ne peut remplacer sur cette terre. Il faut donc aller en avant avec des espérances d’un autre ordre; chaque année est un pas de plus vers ce moment où mes espérances, s’il plait à Dieu, seront réalisées; mais en attendant on a souvent des moments de découragement & de tristesse qui font trouver la vie bien longue & bien dure. Cependant la Providence me traite encore avec bien de la bonté. Ma fille4 que est mariée à jeune homme5 excellent plein de pieté, est entrée dans une famille pieuse & respectable à tous égards (la famille Tronchin). Elle a un petit garçon de neuf mois très prospère & très gentil. Mon fils6 a épousé sa cousine7, la petite fille de Madame Marcet, et il va bientôt être père8. J’ai encore deux charmantes filles bien jeunes, l’une de 169 l’autre de 9 ans10. Enfin mon fils cadet qui va bientôt avoir vingt ans11, est entré l’année dernière comme élève à l’Ecole Polytechnique, après des examens assez brillants. Voilà mon histoire; je vous la fais sans craindre de vous ennuyer, parceque votre amitié pour moi, héritage précieux de mon excellent père12, fait que je suis sur que vous voudrez bien y mettre quelque intéret.

J’aimerais bien vous voir & m’entretenir avec vous; mais je n’ai plus le courage d’aller en Angleterre; les bon amis que j’y ai perdus & surtout le souvenir de ma chère femme avec qui je devais y aller il y a quatre ans, me rendent ce voyage trop mélancolique pour que j’ose encore y penser. Mais vous qui n’avez pas les mèmes impressions, pourquoi ne viendriez-vous pas cet été passer quelques semaines chez moi à la campagne avec Madame Faraday? J’ai un appartement à vous offrir, ma nièce & belle-fille qui a eu le plaisir de vous voir à Londres, vous recevrait de son mieux. Vous meneriez une vie calme & tranquille comme cela convient à des hommes de notre âge & sérieux; vous vous feriez du bein dans notre bon air de la Suisse, & vous en feriez beaucoup à votre ami. Je n’ai aucun projet d’absence du 1er Mai au 1er Novembre 1854; ainsi vous pouvez choisir l’époque qui vous conviendrait le mieux dans cet intervalle de six mois.- Faites cela; le voyage est très rapide & très facile maintenant; je suis sur que Made Faraday s’en trouverait bien aussi.

Je vous remercie des détails intéressants que vous m’avez donnés dans votre lettre sur les expériences faites avec les fils télégraphiques. Ne croyez-vous pas que le retard observé dans la transmission de l’électricité quand le fil plonge dans l’eau vient précisement de ce qu’il joue le role d’une bouteille de Leyde qui exige un certain temps pour se charger; cela n’en est pas moins très curieux.

J’ai donné l’ordre qu’on vous envoyât mon premier volume sur l’Electricité qui vient de paraitre en français13. Je suis bien avancé dans le second14, & j’attends une occasion pour en envoyer le manuscrit en Angleterre.- Pour en revenir aux succès, vous trouverez dans le volume français beaucoup de choses nouvelles & en particulier à la fin (§6 du chap. VIème de la 3ème partie), une théorie nouvelle du magnétisme & du diamagnétisme que je crois assez satisfaisante15; je n’entre pas dans plus de détails puisque vous pouvez lire le morceau, si cela vous intére<<sse>>.

Oserais-je vous adresser deux questions auxquelles vous pouvez seul me répondre:

1˚) Avez-vous jamais réussi dans vos expériences à produire des courants d’induction dans d’autres liquides que le mercure - ou des métaux fondus, par example dans les solutions acides ou salines?

2˚) Croyez-vous que les liquides puissent conduire une partie quelconque de l’électricité qu’ils transmettent sans éprouver de décomposition & avez-vous, depuis que vous avez traité ce sujet, été apellé à l’examiner de nouveau & à arrêter vos idées sur ce point important? Je suis, je l’avoue, très perplexe à cet égard, & je serais plutot disposé maintenant à admettre que dans quelques cas l’électricité peut traverser en partie les liquides électrolytiques sans les décomposer. Cependant je reconnais que c’est un point très difficile à constater à cause des effets secondaires qui jouent toujours un grand rôle dans ces phénomènes. Je mettrais un grand intéret à savoir où vous en êtes à cet égard.

J’espère que vous avez reçu dans le temps ma petite notice sur Arago16 que je vous ai envoyée par Marcet; je l’ai faite en quelques heures & elle s’est bien ressentie de la précipitation que j’ai été, malgré moi, obligé d’apporter à cet hommage que je tenais à rendre promptement à la mémoire de notre ami.

Veuillez avoir la bonté de me rappeler au bon souvenir de Madame Faraday sur laquelle je compte pour vous engager à nous faire une visite l’été prochain, & agréez, très cher maitre & ami, l’assurance des sentiments de respect & d’affection que je vous porte

Votre dévoué | A. de la Rive


Address: Monsieur Faraday | Associé étranger de l’Institut | de France | Royal Institution | Albermarle Stt | Londres.

Postmark: 6 February 1854

TRANSLATION

Geneva 6th January [sic] 1854

Sir and very dear friend,

I cannot tell you how moved I was by your remembering me. Your letter17 touched me profoundly. It is so rare to see a man of Science, such as yourself, put above all else the exalted sentiments of the soul and eternal hopes, and nothing can do as much good to an afflicted heart such as mine, than words such as the ones that you kindly addressed to me. Soon it will be nearly four years that my life was shattered and my isolation is still very painful, not that I am not surrounded by children big and small as kind as anyone could wish; but I miss that companion18 who shared everything with me, my worries and my joys, whom nothing can replace on this earth. I must therefore go forward with hopes of another order; each year is a step further towards the moment where my hopes, please God, will be realised; but whilst I wait, I often have moments of discouragement and sadness which make life seem very long and very hard. Even though Providence still treats me with a lot of kindness. My daughter19 who married an excellent young man20, full of piety, has entered into a pious and respectable family in every way (the Tronchin family). She has a very healthy and very amiable little boy of nine months. My son21 married his cousin22, the granddaughter of Madam Marcet and he is soon to be a father23. I have two other charming daughters who are still very young, one is 1624, the other 9 years old25. Finally my youngest son who is going to be twenty26, enrolled as a student at the Ecole Polytechnique last year, after some rather brilliant exams. That is my history; I tell it to you without fear of boring you, because your friendship for me, which I inherited from my excellent father27, makes me sure that you will be interested.

I should very much like to see you and to talk to you; but I do not have the strength to go to England; the good friends that I have lost there and above all the memory of my dear wife with whom I was supposed to go four years ago, make this journey far too melancholic for me to think of it yet. But you do not have the same impressions, why do you not come this summer to spend some weeks at my house in the country with Mrs Faraday? I have an apartment to offer you and my niece and daughter in law who had the pleasure of meeting you in London, would receive you as best she could. You would lead the calm and quiet life that befits serious men of our age; our good Swiss air would do you good and you would do a lot of good to your friend. I am not intending to be away between 1st May and 1st November 1854, thus you can choose the period that suits you best in this interval of six months. Do that; the journey is very quick and easy now; I am sure Mrs Faraday would enjoy it also.

I thank you for the interesting details that you have given me in your letter on the experiments conducted with telegraph wires. Do you not think that the delay observed in the transmission of electricity when the wires plunge into water comes precisely because it plays the same role as a Leyden jar which takes a certain amount of time to charge itself; that does not make it any less curious.

I have asked that my first volume on Electricity that has just appeared in French28 be sent to you. I am well advanced with the second29 and I am looking for an occasion to send the manuscript to England. To return to the successes, you will find in the French volume many new things and in particular at the end (§6 of the VIth chapter of the 3rd part), a new theory on magnetism and diamagnetism which I believe to be quite satisfying30; I am not going to go into detail, since you can read the passage if it interests you.

Dare I ask you two questions which only you can answer?

1st Have you ever succeeded in your experiments to produce induced currents in liquids other than mercury or molten metals, for example in acid or saline solutions?

2nd Do you think that liquids can conduct any part of the electricity they transmit without experiencing any decomposition and have you, since you dealt with this subject, ever thought of re-examining it and changing your ideas on this important point? I am, I admit it, very perplexed about this, and I would be rather disposed now to admit that in certain cases electricity can cross in part electrolytic liquids without decomposing them. However, I recognise that this is a very difficult point to prove because of secondary effects that always play a big role in these phenomena. I would be very interested to know what you think about this.

I hope that you received some time ago my little notice on Arago31 which I sent you through Marcet; I wrote it in a few hours and you can clearly tell the haste with which, despite myself, I was obliged to write this homage which I wanted to render promptly to the memory of our friend.

Please be kind enough to remember me to Mrs Faraday on whom I am counting to persuade you to come and pay us a visit next summer, and accept, very dear master and friend, the assurance of the feelings of respect and affection that I bring you

your devoted | A. de la Rive

Dated on the basis of the postmark and that this is the reply to letter 2782.
Jeanne-Mathilde De La Rive.
Jeanne-Adèle Tronchin, née De La Rive (1829-1895, Choisy (1947), 51). Married 1852.
Louis-Nosky-Rémy Tronchin Officer in Swiss army. Choisy (1947), 51.
William De La Rive.
Cécile-Marie De La Rive, née De La Rive (1831-1893, Choisy (1947), 51). Married William De La Rive on 15 March 1852.
Sophie-Louisa De La Rive (1854-1902, Choisy (1947), 52).
Adélaïde-Eugénie-Augusta De La Rive (1838-1924, Choisy (1947), 51).
Françoise-Amélie-Alice De La Rive (1844-1914, Choisy (1947), 51).
Charles-Lucien De La Rive (1834-1924, Choisy (1947), 51). Swiss physician and writer.
Charles-Gaspard De La Rive (1770-1834, DSB). Swiss chemist.
De La Rive (1854-8), 1.
De La Rive (1853-8), 2.
De La Rive (1854-8), 1, 557-79.
De La Rive (1853).
Jeanne-Mathilde De La Rive.
Jeanne-Adèle Tronchin, née De La Rive (1829-1895, Choisy (1947), 51). Married 1852.
Louis-Nosky-Rémy Tronchin Officer in Swiss army. Choisy (1947), 51.
William De La Rive.
Cécile-Marie De La Rive, née De La Rive (1831-1893, Choisy (1947), 51). Married William De La Rive on 15 March 1852.
Sophie-Louisa De La Rive (1854-1902, Choisy (1947), 52).
Adélaïde-Eugénie-Augusta De La Rive (1838-1924, Choisy (1947), 51).
Françoise-Amélie-Alice De La Rive (1844-1914, Choisy (1947), 51).
Charles-Lucien De La Rive (1834-1924, Choisy (1947), 51). Swiss physician and writer.
Charles-Gaspard De La Rive (1770-1834, DSB). Swiss chemist.
De La Rive (1854-8), 1.
De La Rive (1853-8), 2.
De La Rive (1854-8), 1, 557-79.
De La Rive (1853).

Bibliography

CHOISY, Albert (1947): Généalogies Genevoises, Geneva.

DE LA RIVE, Arthur-August (1853): “François Arago”, Bibl. Univ., 24: 264-76.

DE LA RIVE, Arthur-August (1853-8): A Treatise on Electricity, in Theory and Practice, 3 volumes, London.

DE LA RIVE, Arthur-August (1854-8): Traité d'Electricité théorique et appliquée, 3 volumes, Paris.

Please cite as “Faraday2786,” in Ɛpsilon: The Michael Faraday Collection accessed on 29 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/faraday/letters/Faraday2786