Karl Wilhelm Knochenhauer to Faraday   15 May 1856

Meiningen, le 15 mai 1856.

Monsieur,

Vous trouverez sûrement très importun que je vous incommode encore une fois, surtout où Vous êtes hors d’état d’examiner Vous-même les faits, ce que je regrette beaucoup. Cependant Votre lettre m’ayant convaincu, que l’induction doit être étudiée encore plus profondément pour dérober tout appui à l’ancienne théorie, je me suis aussitôt résolu à entreprendre quelques nouvelles recherches. Et voilà, comme je le crois, que Vos lignes de polarisation se laissent démontrer tout clairement par les experiences; j’espère donc pouvoir me promettre Votre indulgence, si j’ose Vous communiquer mes observations.- Du condensateur, dont les plateaux ont environ deux pouces de diamètre, je joignis le plateau inférieur au sol, et je communiquai au plateau supérieur de l’électricité positive, en le touchant avec la boule d’une bouteille de Leyden chargée plus ou moins fortement. L’intervalle des plateaux était rempli tantôt d’une ou de plusieurs plaques de verre (c’étaient les plaques B C D d’auparavant), tantôt les plaques était séparées l’une de l’autre par une couche d’air (quelques petits morceaux de verre interposés aux bords servaient à ce but), tantôt la plaque ne touchait que l’un des plateaux du condensateur, tantôt elle était éloignée de l’un et de l’autre. Toutes les fois après avoir retiré le plateau supérieur je trouvais la face supérieure de chaque plaque (c’est à dire celle qui avait été dirigée vers le plateau supérieur) chargée d’électricité positive et la face inférieure chargé d’électricité negative. Pour examiner cette charge j’avais muni l’électromètre à feuilles d’or d’un plateau, et après y avoir mis l’une des faces je couvris l’autre d’un autre plateau, afin d’en affaiblir l’influence, tout à fait de la manière, que Vous avez indiquée.- En voulant étendre un peu plus ces expériences, je me procurai encore 8 tables carrées de verre de vitre munies d’une mince couche de laque, de même 4 tables de soufre et une faible plaque de laque. Le tout exécuté comme auparavant, je fus étonné de trouver presque toujours sur les deux faces la même électricité, tantôt positive, tantôt négative, je répétai les observations avec les anciennes plaques et toujours les deux électricités sur les deux faces. Pour ôter l’électricité aux plaques, je plaçai les tables de vitre dans un forneau, où elles s’échauffèrent un peu; mais ce moyen n’étant pas appliquable à la plaque de laque, je fis usage d’une flamme d’alcohol, cependant sans atteindre mon but; même deux flammes ensemble des deux côtés de la plaque ne détruisirent point l’électricité. Aussi les tables de vitre ne voulaient pas perdre leur électricité, quand elles étaient exposées pendant quelques temps aux deux flammes. En examinant souvent les tables je trouvai qu’après l’usage de la flamme les deux faces étaient chargées d’électricité contraire, l’une d’électricité positive l’autre d’électricité négative. Dès ce moment tout était éclairci. Les plaques, qui se sont trouvées entre les plateaux du condensateur, sont chargées de deux espèces d’électricité, l’une recouvre legèrement les surfaces et peut être détruite tout à fait promptement quand on approche la plaque d’une flamme, l’autre a sa source dans la polarisation, n’est détruite qu’avec beaucoup de peine, et met la face supérieure en état positif, l’inférieure en état négatif. Les anciennes plaques, dont les surfaces étaient déjà un peu altérées par l’usage, perdirent l’électricité fugitive de la surface pendant le temps, qu’on les retirait du condensateur; aussi l’état de polarisation disparut après un quart d’heure environ, tandis que les nouvelles tables le conservèrent très long-temps, surtout les tables de soufre et de laque, où il resta même pendant quelques jours.- Maintenant la manière d’expérimenter fut la suivante. Après avoir mis les tables sur le plateau inférieur du condensateur et les avoir couvertes du plateau supérieur, celui-ci était chargé plus ou moins fortement selon le nombre des plaques et aussitôt enlevé; alors j’examinais chaque plaque l’une après l’autre sur l’électricité libre en l’approchant de l’électromètre et sans faire usage du plateau affaiblissant, ensuite je promenais quelques moments chaque plaque devant la flamme, et enfin j’en examinais l’état électrique des deux faces, qui avait sa source dans la polarisation. Voilà quelques séries. Les nombres donnent les plaques de haut en bas et le mot: régulièrement signifie que la face supérieure était en état positif, l’inférieure en état négatif.

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Quelle que soit la cause de l’électricité libre, qui recouvre les tables, soit qu’elle vienne de l’air, qui se trouve entre les surfaces et qui reçoit aussi la polarisation, soit qu’elle ait une autre source, sûrement elle n’exerce aucune influence appréciable sur la charge du condensateur, et la distribution, qui paraît être modifiée par le degré de la charge, et de telle manière, que l’ancienne théorie n’en tirera aucun secours; aussi est-elle si faible que la flamme l’enlève aussitôt. La polarisation des tables, qui est retenue avec une si grande force, s’étend sans doute par toute la masse des tables, d’ailleurs elle serait aussi détruite par la flamme, et chacune des tables ne pourrait la montrer. Pour moi, je ne peux douter, que ces observations ne prouvent ce que Vous avez nommé les lignes de polarisation, et si Vous n’avez pas encore perdu la patience de répondre j’écouterais avec grand plaisir ce que Vous en jugez.

Agréez, Monsieur, l’assurance de la haute estime, avec laquelle j’ai l’honneur d’être | Votre très dévoué et très obéissant serviteur | Knochenhauer

TRANSLATION<qr>Meiningen, 15 May 1856

Sir

You will surely find it most inconvenient that I trouble you once again, especially as you are in no state to examine the facts for yourself, which I greatly regret. However, persuaded by your letter, that induction should be studied in more detail to take away all support from the old theory, I immediately resolved to undertake some new research. And there you are, I believe: your lines of polarization clearly demonstrated by the experiments; I hope therefore that I can rely on your indulgence, as I dare to communicate to you my observations. - In a capacitor, of which the plates are about two inches in diameter, I joined the lower plate to the ground, and I charged the top plate with some positive electricity, by touching it with a more or less charged ball of a Leyden jar. The space between the plates was filled sometimes with one and sometimes with several sheets of glass (plates BCD from before), sometimes the sheets were separated one from another by a layer of air (a few small bits of glass placed at the sides used to achieve this), sometimes a sheet [was placed so that it] touched one of the plates of the capacitor, sometimes it was distant from one and from the other. Each time I removed the top plate, I found the superior surface of every plate (that is to say the one that had been directed toward the top plate) was charged with positive electricity and the inferior surface charged negative electricity. To examine this charge, I attached an electrometer with old leaf to one of the plates, and after having put it on one of the faces, I covered the other with another plate, in order to weaken its influence, just as you had indicated.- Wanting to extend these experiments a little more, I acquired 8 more square pieces of window glass covered with a thin layer of lacquer, and in the same way covered four pieces with sulphur and a weak covering of lacquer. Everything was carried out as before; I was astonished to find almost always on the two faces the same electricity, sometimes positive, sometimes negative; I repeated the observations with the old plates and [found] always the two electricities on the two faces. To remove the electricity from the plates, I placed the glass pieces an oven, where they warmed up a little; but this method not being appropriate for the lacquered plates, I used an alcohol flame, however without success; even two flames together on two sides of the plate did not wipe out the electricity. Neither did the glass pieces want to lose their electricity when exposed to the two flames, even for some time. By examining the pieces often I found that after the use of the flame the two faces were charged with opposite electricity, one with positive electricity the other of negative electricity. From that moment all was clear. The sheets, that were between the plates of the capacitor, are charged with two types of electricity, one lightly covers the surfaces and can be destroyed quite easily by approaching the plate with a flame, the other has its source in polarization and is destroyed only with a lot of trouble, and gives the superior face in a positive charge, the inferior in a negative charge. The old plates, the surfaces of which were already a little altered through usage, lost the fleeting electricity from the surface during the time they were removed from the capacitor; also the state of polarization disappeared after about a quarter of hour, while the new pieces preserved it much longer, especially the sulphured and lacquered pieces, where it even remained for some days. - Now the manner to experiment was the following. Having put the pieces on the lower plate of the capacitor and having covered them with the top plate, the latter was charged more or less strongly according to the number of the sheets and then removed immediately; then I examined every plate one after the other for free electricity by approaching it with an electrometer and without making use of the weakening plate, then I passed every plate over a flame for some time, and finally I examined the electric state of the two faces, which had its source in polarisation. Here are some series. The numbers give the plates from top to bottom and the word ‘regularly’ means that the superior face was in a positive state, the inferior in a negative state.

[Table]

Whatever the cause of the free electricity, which covers the pieces, whether it comes from the air which is between the surfaces and which is also polarised, or it has another source; surely it exercises no substantial influence on the charge of the capacitor; and the distribution, which appears to be modified by the degree of the charge, is of such a manner, that the old theory cannot draw any support from it, as it is so weak that a flame removes it immediately. The polarization of the pieces, which is retained with such great force, extends to the whole mass of pieces, besides it would also be destroyed by the flame, and would not be shown by all the pieces. I cannot myself doubt that these observations prove what you have called the lines of polarization, and if you have not yet lost the patience to reply, I would listen with great pleasure to your opinion on this.

Accept, Sir, the assurance of the high esteem, with which I have honour of being, | Your very devoted and very obedient servant | Knochenhauer


Address: To Michael Faraday, Esq. | London | Royal Institution

Please cite as “Faraday3145,” in Ɛpsilon: The Michael Faraday Collection accessed on 28 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/faraday/letters/Faraday3145