Maurice Hess to Faraday   5 October 18561

Mon Vénerable Maitre!

J’ai l’insigne honneur de vous remettre ci-jointe une feuille qui peut-être vous interessera, Monsieur, à cause de la matière qu’elle traite, plutôt qu’à cause de la manière tout à fait insuffissante avec laquelle j’ai essayé de la traiter dans une ébauche plus que superficielle.

La feuille que j’ai l’honneur de vous remettre, est un extrait d’une introduction que j’ai publié dans une revue francaise. Elle a déjà paru l’année passée 1855, dans le même mois où Mr. Foucault 2 a fait l’expérience que je cite à la fin de la brochure. Il est assez heureux pour moi qu’un an plus tard, c’est à dire dans l’année courante 1856, Mr. De la Rive, qui n’avait certainement pas connaissance de mes petits travaux, pas plus que je ne pouvais avoir connaissance de son deuxième volume qui a paru il y a seulement quelque mois3, aît terminé ce second volume par la même citation de l’expérience de M. Foucault à l’appui de sa théorie qui a une grande analogie avec celle émise dans ma petite brochure. Bien que ma théorie ne coincite pas complêtement avec celle de M. De la Rive, cette dernière arrive pourtant à supposer aussi une rotation d’atomes, supposition qui est le point principale sur lequel j’appuis une nouvelle théorie de la gravitation.

Ce n’est que depuis les dernieres commotions politiques qui m’ont conduit forcement de l’Allemagne, ma patrie, en France, où je demeure comme exilé, que j’ai commencé à m’occuper sérieusement de physique et de chimie, attiré principalement par les ingénieuses recherches et expérimentations, par lesquelles vous avez demontré la liaison qui existe entre l’électricité et l’action chimique4. Conduit par votre opinion sur l’insuffissance de la théorie des atomes pour expliquer les phénomènes électro-chimiques, et desiré de trouver les rapports pressentis par vous entre la gravitation et ces phénomènes5, j’ai essayé de me rendre compte de ces rapports par une théorie qui n’est, en effet, qu’une hypothése, tant qu’elle ne sera constatée par l’expérimentation. Mais, quoique je ne désespére pas à parvenir un jour de constater ma théorie par des expériences scientifiques, il est pourtant de mon devoir à vous communiquer, mon vénerable maître, mes tentatives théoriques.

Comme vous verrez, Monsieur, je ne suis pas adversaire absolu de la théorie des atomes. Mais si je crois qu’elle rend bien compte des phénomènes de la chaleur et de la lumière, de même que des actions chimiques, je ne suis pourtant pas de l’avis de M. De la Rive quant à sa théorie génerale des phénomènes électriques. Pour que l’électricité puisse se propager, M. De la Rive suppose toujours un milieu contenant des atomes chimiques, et il explique p. ex. l’arc voltaique dans le vide par une décharge d’atomes chimiques qui s’en vont d’un bout du conducteur à l’autre. Il y a une objection capitale qui s’oppose à cette theorie. L’électricité s’echappe de la surface des corps conducteurs isolés par l’air, et cela d’autant plus que l’air est rarifié davantage; ce qui a conduit Mateucci à supposer qu’elle s’en échapperait entièrement, dans le vide parfait. Il faut en conclure que l’électricité peut exister indépendante d’atomes chimiques - ce qui n’exclut pas que l’éther soit précisement de l’electricité combinée, accumulee, et plus ou moins condensée. Mais cette condensation qui peut produire aussi des atomes, ou de centres, formant le milieu par lequel se propage la chaleur et la lumière, doit produire originairement des atomes beaucoup plus dilatés que les atomes chimiques ou le milieu par lequel se propage p. ex. le son qui impressionne l’oreille, parce que le son se propage infiniment moins vite que la chaleur et la lumière. Je suis donc porté à croire que l’arc voltaique est produit par l’accumulation de l’électricité et la formaiton d’atomes étheriens qui réagissent en se condensant et produisent la lumeière et la chaleur - et je crois que si l’on pouvait déterminer une condensation, ou une accumulation plus forte de l’electricité dans le vide, il pourrait en resulter la formation d’atomes chimiques, si toutefois les difficultés expérimentales ne seraient insurmontables. Mais beaucoup de difficultés qui paraissent insurmontables, ne le sont pas pour vous, Monsieur; et si vous ne trouvez pas mon hypothése trop folle, peut-être vous vous occuperez de cette expérimentation difficile. - On arriverait par une telle expérimentation à expliquer la formation des nébuleuses dans l’espace, où je suppose de l’électricité accumulée de plus en plus par les déperditions que les corps celestes, et notamment les soleils, éprouvent pendant toute leur existence.

Je vous demande mille fois pardon, Monsieur, de vous entretenir de théories qui ne sont que des hypothéses dans l’état actuel des sciences. Mais je crois que c’est précisement à un savant si éminent, comme vous, Monsieur, de constater par des expériences ingénieuses les liens déjà pressentis par vous, Monsieur, qui existent entre la gravitation et tous les autres mouvements dynamiques de la matière.

Si vous le permettrez, Monsieur, je vous enverrai mes travaux à mesure qu’ils seront publiés, en commençant par une nouvelle théorie du soleil que je publie maintenant dans une revue naturaliste allemande.

Vous me feriez infiniment heureux, Monsieur, si vous vouliez me daigner de votre avis sur mes tendances théoriques. - Agréez, en attendant, vénerable Maître, l’hommage qu’un de vos plus grands admirateurs se permet de vous offrir en comptant sur votre indulgence.

Maurice Hess

Paris le 5 Octobre 1856. | 33, Rue de l’Est

TRANSLATION

My Venerable Master!

I have the distinguished honour of sending you the enclosed paper which may interest you, Sir, because of its subject matter, rather than because of the wholly inadequate manner with which I have tried to treat it in this extremely superficial draft.

The paper that I have the honour of sending you is an extract from an introduction that I published in a French magazine. It appeared last year 1855, in the same month as Mr. Foucault 6 conducted the experiment which I cite at the end of this brochure. It is most fortuitous for me than a year later, that is to say this year 1856, Mr. De La Rive, who certainly did not know of my little work, any more than I could have known of his second volume which appeared only a few months ago7, ended this second volume by citing the same experiment of Mr. Foucault in support of his theory that has a strong analogy with the one expounded in my small brochure. Although my theory does not coincide completely with the one of Mr. De La Rive, his theory also comes to suppose a rotation of atoms, a supposition which is the principal point on which I support a new theory of gravitation.

It is only since the last political troubles which forced me to leave Germany, my homeland, and come to France, where I live as an exile, that I have begun to occupy myself with physics and chemistry in earnest, attracted principally by the ingenious research and experiments, by which you have demonstrated the link which exists between electricity and chemical action. Guided by your opinion on the insufficiency of the theory of atoms to explain electro-chemical phenomena8, and desirous of finding the relationship sensed by you between gravitation and these phenomena9, I have tried to explain this relationship with a theory which is nothing more, in fact, than a hypothesis, until it is proved by experimentation. But, although I do not despair that one day I shall prove my theory with scientific experiments, it is however, my duty, to communicate to you, my venerable master, my tentative theories.

As you will see, sir, I am not an absolute opponent of the theory of atoms. But if I believe that it gives a good account of the phenomena of heat and light, as well as of chemical actions, I do not share Mr. De La Rive’s opinion as to his general theory of electric phenomena. In order for electricity to be propagated, Mr. De La Rive still supposes there to be a milieu containing chemical atoms, and he explains for example the voltaic arc in a vacuum by a discharge of chemical atoms which go from one end of the conductor to the other. There is a fundamental objection to this theory. Electricity escapes from the surface of conducting bodies isolated by air, and the more rarified the air, the more it escapes; which led Matteucci to propose that it escaped entirely in a perfect void. This leads one to conclude that electricity can exist independently of chemical atoms - which does not exclude that ether is precisely combined, accumulated, and more or less condensed electricity. But this condensation which can also produce atoms, or centres, forming the milieu through which heat and light are propagated, must originally produce much more dilated atoms than chemical atoms or the milieu through which, for example, sound which hits the ear is propagated, because sound is propagated infinitely less quickly than heat and light. I am therefore led to believe that the voltaic arc is produced by the accumulation of electricity and the formation of etherian atoms which react while condensing and produce light and heat - and I believe that if one could determine a condensation, or a stronger accumulation of electricity in a vacuum, the formation of chemical atoms could result, always assuming that the experimental difficulties were not insurmountable. But many difficulties which appear insurmountable are not insurmountable to you, Sir; and if you do not find my hypothesis too wild, perhaps you could undertake these difficult experiments. - Such experimentation would explain the formation of nebulas in space, where I suppose that more and more electricity has accumulated from the loss experienced by celestial bodies, most notably suns, during the whole of their existence.

I beg your pardon a thousand times, Sir, for speaking of theories which are but hypotheses in the current state of science. But I believe that it is precisely up to a savant as eminent as you, Sir, to determine the links already sensed by you, Sir, which exist between gravitation and all the other dynamic movements of matter.

If you will permit it, sir, I will send you my works as they are published, starting with a new theory on the sun which is now being published in a German naturalist magazine.

You would make me infinitely happy, sir, if you wished to dignify me with your opinion on my theoretical tendencies. - Please accept, in the meantime, venerable Master, the homage which one of your greatest admirers takes the liberty of offering you, while counting on your indulgence.

Maurice Hess

Paris, 5 October 1856. | 33, Rue de l’Est

Maurice Hess (1812-1875, NDB). Prussian socialist and Zionist who lived in Paris.
Jean Bernard Léon Foucault (1819-1868, DSB). French physicist.
De La Rive (1854-8), 2.
Faraday (1834), ERE7, 869.
Faraday (1851a), ERE24.
Jean Bernard Léon Foucault (1819-1868, DSB). French physicist.
De La Rive (1854-8), 2.
Faraday (1834), ERE7, 869.
Faraday (1851a), ERE24.

Bibliography

DE LA RIVE, Arthur-August (1854-8): Traité d'Electricité théorique et appliquée, 3 volumes, Paris.

FARADAY, Michael (1851a): “Experimental Researches in Electricity. - Twenty-fourth Series. On the possible relation of Gravity to Electricity”, Phil. Trans., 141: 1-6.

Please cite as “Faraday3194,” in Ɛpsilon: The Michael Faraday Collection accessed on 28 April 2024, https://epsilon.ac.uk/view/faraday/letters/Faraday3194