Monsieur
Quoique je n’aie pas l’honneur d’être connu de vous, je tiens cependant ‘a vous témoigner la satisfaction que j’ai éprouvée en lisant votre admirable livre sur l’origine des Espèces. Je m’occupe depuis vingt ans, de l’étude des sciences naturelles; et j’étais depuis bien longtemps arrivé par mes observations et par mes réflexions personelles, ‘a considérer l’idée de la fixité de l’espèce, si généralement admise par les naturalistes, comme tout ‘a fait en contradiction avec les faits. Mais si je ne pouvais me contenter des théories existantes, je ne voyais pas cependant comment on pouvait les remplacer; et je me voyais hésitant entre des doctrines qui ne sont plus admissibles, et la plus grande incertitude relativement aux doctrines qu’il fallait leur substituer. Votre livre a fait briller pour moi la lumière au sein des ténèbres; en me montrant où il fallait aller chercher le guide qui jusqu’alors m’avait fait défaut dans mes réflexions sur la nature des espèces.
Je prends, ‘a ce sujet, la liberté de vous adresser un petit travail que je viens de publier.2 C’est un mémoire que l’Académie des Sciences de Paris a couronné, il y a un mois.3 Si vous voulez bien prendre la peine de consulter ces opuscules, vous verrez que j’ai cherché ‘a résoudre, par la voie expérimentale, des questions tout ‘a fait comparables ‘a celles que vous traitez dans votre livre.4 Je suis arrivé en effet, après de bien longues expériences, ‘a produire, comme Geoffroy Saint-Hilaire l’avait fait il y a trente ans,5 un grand nombre de monstruosités artificielles; et j’espère, en poursuivant ces études, pouvoir quelque jour, expliquer la formation d’un grand nombre d’anomalies Ces travaux, si je puis les poursuivre, me donneront quelque jour, je l’espère, la possibilité d’appliquer la méthode expérimentale ‘a l’examen d’une partie de la science où vous vous êtes fait une si belle place.
Je regrette, Monsieur, d’être obligé de vous écrire en français: mais si je sais assez d’anglais pour avoir pu lire votre livre avant qu’il n’ait été traduit,6 je ne connais pas assez votre langue pour la parler, et encore moins pour l’écrire
Je suis, avec un profond respect | Votre très humble et très obéissant serviteur | Camille Dareste.
Professeur ‘a la faculté des sciences de Lille.
M. Charles Darwin Esqre.
Sir
Although I have not the honour of being known to you, I wish nevertheless to express the satisfaction I felt in reading your admirable book on the origin of species. I have been engaged in the study of the natural sciences for twenty years; and I had long ago through my own observations and reflections come to consider the idea of the fixity of species, so generally accepted by naturalists, as a view completely in contradiction with the facts. But though I was unable to content myself with the existing theories, I nevertheless did not see how they could be replaced; and I found myself vacillating between doctrines which were no longer acceptable and the greater uncertainty concerning the doctrines that ought to replace them. For me your book has caused a light to shine in the midst of darkness, by showing me where to look for the guiding principle that had hitherto been lacking in my reflections on the nature of species.
On this subject, I take the liberty of sending you a small work which I have just published.2 It is a memoir that received a prize a month ago from the Académie des Sciences of Paris.3 If you will take the trouble to peruse these pamphlets, you will see that I have endeavoured to solve by the experimental method some questions wholly comparable to those you deal with in your book.4 After some very lengthy experiments I have indeed succeeded in producing, as did Geoffroy Saint-Hilaire thirty years ago, a great number of artificial monstrosities;5 and I hope that in pursuing these studies I shall one day be able to explain the formation of a great number of anomalies This work, if I am able to proceed with it, will I hope one day enable me to apply the experimental method to the investigation of a branch of science where you have won yourself such a prominent position.
I regret, Sir, being obliged to write to you in French: although I know enough English to have been able to read your book before it was translated,6 I am not sufficiently conversant with your tongue to speak it, and even less so to write it.
I remain, with profound respect | Your very humble and very obedient servant Camille Dareste | Professor at the Faculty of Sciences of Lille
Mr Charles Darwin Esq.
Please cite as “DCP-LETT-3974,” in Ɛpsilon: The Charles Darwin Collection accessed on