Arthur-Auguste De La Rive to Faraday   12 June 1845

Geneve, le 12 juin 1845

Mon cher Monsieur,

Je viens vous remercier de votre aimable lettre du 20 février1; tout ce qui me vient de vous m'est toujours si précieux par le souvenir qui se rattache à mon père2 & par la bienveillante amitié que vous voulez bien m'accorder, que je ne puis vous dire le plaisir que m'a fait votre lettre. Je vous remercie de tous les détails intéressants que vous me donnez & je regrette, tout en le comprenant, que vous n'ayez pas poursuivi vos belles expériences.

Nous avons cet été, ainsi que je vous l'ai déjà dit3, au mois d'Aout, les 11, 12 & 13 la réunion des naturalistes & physiciens Suisses. Vous savez que cette Société fondée en 1815 est le plus ancien des Congrès Scientifiques qui existent maintenant dans différentes contrées de l'Europe. J'en suis le Président cette année; jugez quelle serait ma joie & celle de tous vos amis & collègues si vous vouliez vous rendre à Genève pour cette époque. Je n'ose l'espérer d'après votre lettre; cependant un petit voyage fait avec Made Faraday vous ferait bien du bien; je vous offre l'hospitalité que je serais, ainsi que ma femme, bien heureux de vous voir accepter. Ce serait une grande joie pour ma femme & pour moi de vous avoir quelques jours à demeurer chez nous avec Made Faraday. Tâchez donc de nous faire cette amitié. - Envoyez-nous également quelques uns de vos compatriotes. Daubeny, Wheatstone, Lyell, &c. devraient bien venir; un mot de vous pourrait les y déterminer. - Nous aurons, j'espère, quelques savants français, allemands & italiens; c'est une raison de plus pour nous de désirer que l'Angleterre ne nous fasse pas défaut. Le réunion aura lieu les 11, 12 & 13 Aout à Genève.

Vous avez peut-être vu que Mr Marignac a montré que l'ozone de Schoenbein n'était pas le radical de l'azote4. Nous avons fait dernièrement une expérience qui confirme l'idée que j'ai toujours eue que c'était simplement de l'oxigène dans son état particulier. - Il suffit de faire passer de simples étincelles électriques à travers un courant d'oxigène parfaitement pur & sec pour lui donner toutes les propriétés de l'ozone. Je suis convaincu que tous les autres moyens de préparer l'ozone qui sont indiqués par Schoenbein & auxquels Mr Marignac en a ajouté d'autres, se bornent à électriser par des moyens mécaniques, physiques ou chimiques l'oxigene, soit celui qui provient de la décomposition de l'eau, soit celui qui est déjà préparé. Ce n'en est pas moins une chose remarquable que cette forme particulière que peut prendre l'oxigène. Cela indiquerait-il que ce n'est pas un corps simple?

Je viens d'achever un assez grand travail sur l'aimantation du fer doux & sur les vibrations que détermine dans les corps conducteurs, mais surtout dans le fer le passage des courants électriques discontinues, soit alternatifs, soit dirigés dans le même sens5. - J'en ai écrit quelques mots a [sic] Mr Arago qui a inséré un extrait de ma lettre dans les Comptes rendus de l'Académie où peut-être vous l'auriez lu6.

Il y a dans tous ces phénomènes des choses bien mystérieuses; ce qui me parait le plus curieux c'est tout ce qui concerne l'arrangement de la limaille de fer & l'action en général exercée sur le fer doux dans l'intérieur d'une hélice dont le fil est traversé par le courant discontinu. J'ai fait construire une hélice dont le fil de cuivre est de plus de 3 à 4 millimètres de diamètre & qui elle même a un diamètre intérieur de 15 à 16 centimètres. Le courant d'une très forte pile en traversant le fil de cette hélice produit, soit lorsqu'il est continu, soit quand il est discontinu, des effets très remarquables. Ainsi, si la limaille de fer est sur un plan horizontal placé au fond de l'hélice qui est elle même verticale, on la voit former comme une forêt de petits arbres hauts de 3 ou 4 centimètres & qui tournaient sur eux mêmes avec une grande rapidité en fuyant en général le centre de l'hélice. Ainsi encore si le plan horizontal sur lequel est la limaille est au haut de l'hélice au lieu d'être en bas, on voit la limaille se porter vers le centre & non vers les bords. - Je vous épargne les effets curieux d'aimantation; je me borne à celui qui se manifeste par les vibrations.

Ces vibrations produisent un très beau son; mais le ton de ce son change pour la même corde de fer tendue de la même manière, selon que l'hélice agit sur certains points ou sur d'autres de la corde. L'intensité varie également de même. Le courant qui traverse le fil de fer y produit le même ton que celui qui y détermine l'aimantation opérée par l'hélice quoique dans le premier cas le fil ne soit point aimanté; ce fait semble prouver que la modifitation moléculaire qui résulte de la transmission du courant électrique est la même que celle qui résulte de l'aimantation. Mais quelle est-elle? C'est ce que je cherche à trouver; j'ignore si j'y réussirais.

Je suis convaincu que la propriété du fer, du nickel & du cobalt, d'etre aimantés, tient uniquement à leur constitution moléculaire particulière. L'idée que vous avez émise que cette propriété tient au grand rapprochement de leurs particules me parait recevoir une confirmation de ce que c'est ce même rapprochement qui fait que ces mêmes corps rendent un son par le frottement de leurs particules les unes contre les autres, quand le courant électrique les traverse. En effet le son qu'ils rendent & qui est beaucoup plus fort pour le fer que pour les autres, est tout à fait semblable à celui d'une roue dentée qui en tournant frappe contre un ressort métallique; c'est tout à fait le son d'un métal qui frotte un métal. -

J'ajoute dans l'enveloppe ces quelques mots pour vous demander une faveur. - Vous m'avez donné un volume qui renferme vos mémoires jusque & y compris la 14ème Série7. - Seriez-vous assez bon pour me donner les mémoires qui suivent?8 Je n'en ai que quelques uns; je ne les ai pas tous & je désirerais vivement avoir la collection complète. Si vous aviez cette bonté, vous m'obligeriez excessivement en m'envoyant ces mémoires chez MM. Morris Prevost & Co9 care of Mr J.L. Prevost qui doit venir incessamment à Genève & qui me les apporterait.

J'espère que vous avez reçu dans le temps ma notice sur la vie & les travaux de De Candolle10 que je vous ai envoyée par l'intermédiaire de Mr Baillière11.

J'ai appris avec un bien vif chagrin la mort de l'excellent professeur Daniell; c'est une grande perte pour la Science; cette perte a d<cir>u vous être bien sensible; car il était d'un caractère si aimable & si bienveillant & il vous était bien attaché.

Votre nomination à l'Académie des Sciences m'a bien rejoui; c'est un acte de justice qui vous était du depuis longtemps. Il m'a rappelé que vous n'étiez pas Membre honoraire de notre Société de Physique & d'Histoire Naturelle & je me suis empressé de demander qu'on vous conférât ce titre bien modeste qui est pour nous une manière non de reconnaitre les services rendus à la Science, nous sommes trop peu de chose pour cela, mais la bienveillance temoignée à votre pays & à ses habitants par des hommes de Sciences. C'est à ce dernier titre seulement, c'est en qualité d'ami de Genève et des Genevois que nous nous sommes permis de joindre votre nom à celui de Arago, de Humboldt, de de Zach12, de Becquerel & de quelques autres noms moins célèbres. Colladon qui va aller en Angleterre vous portera le diplôme de ce titre scientifique à ajouter dans quelque petite place à ceux que vous avez déjà.

Je n'ai plus que cette petite place pour vous rappeler, Monsieur, combien je vous suis attaché, vous prier de me rappeler au souvenir de Made Faraday & vous prier de croire aux sentiments respectueux & affectueux de votre devoue

A. de la Rive


Address: Monsieur Faraday | Royal Institution | Albemarle St | Londres

Geneva | 12 June 1845

My Dear Sir,

I would like to thank you for your kind letter of 20 February13; everything that comes from you is always so very precious to me because it reminds me of my father14 and of the friendship you have shown me, that I cannot tell you how much pleasure your letter gave me. I thank you for all the interesting details that you sent me and I regret, although I fully understand why, that you have not pursued your beautiful experiments.

This summer, as I have already mentioned to you15, in the month of August, the 11th, 12th and 13th, we have a meeting of Swiss naturalists and physicists. You know that this Society, founded in 1815, is the oldest of the Scientific Congresses which currently exist in the different countries of Europe. I am its President this year; you can judge how great would be my joy and that of your friends and colleagues if you wished to come to Geneva at that time. I dare not hope it after your letter; however, a short trip with Mrs Faraday would do you a lot of good; I offer you the hospitality which my wife and I would both be delighted to see you accept. It would be a great joy for my wife and for me to have you stay with us for a few days with Mrs Faraday. Please try to do us this kindness. Send us equally some of your fellow countrymen. Daubeny, Wheatstone, Lyell etc should come; a word from you would persuade them. We shall have a few savants from France, Germany and Italy; that is another reason why we hope that England will also be represented. The meeting will take place on the 11th, 12th and 13th of August in Geneva.

You have perhaps seen that Mr Marignac has demonstrated that Schoenbein's ozone is not the radical of nitrogen16. We did an experiment lately which confirms the idea that I have always held that it was simply oxygen in its particular state. It is enough to pass simple electric sparks through a current of oxygen that is perfectly pure and dry to give all the properties of ozone. I am convinced that all other means of preparing ozone which are indicated by Schoenbein and to which Mr Marignac has added others, are simply ways of electrifying oxygen by mechanical, physical or chemical means, be it that which comes from the decomposition of water, or that which is already prepared. There is no more remarkable a thing than this particular form of oxygen. Would that indicate that it is not a simple body?

I have just completed a rather large work on the magnetisation of soft iron and on the vibrations that are determined in conducting bodies but above all in iron by the passage of discontinuous electric currents, be it alternative or ones going in the same direction17. I wrote a few words about this to Mr Arago who inserted an extract of my letter in the Comptes rendus de l'Académie where you may have read it18.

There are in these phenomena some very mysterious things; what appears to me to be most curious is everything concerning the arrangement of iron filings and the action in general exercised on soft iron inside a helix of which the wire is crossed by a discontinuous current. I had a helix made with a copper wire of more than 3 or 4 millimetres diameter and which in itself had an internal diameter of 15 or 16 centimetres. The current from a very strong pile crossing the wire of this helix, produces, whether it is continuous or discontinuous, the most remarkable effects. Thus if the iron filings are place on a horizontal plane at the base of the helix which is itself vertical, one can see it form a sort of forest of little trees about 3 or 4 centimetres high which themselves turned with great speed fleeing generally speaking from the centre on the helix. Also if the horizontal plane with the iron filings is lifted above the helix instead of being below it, one can see the iron filings carry themselves to the centre and not to the sides. I spare you the curious effects of magnetisation; I limit myself to those manifested by vibrations.

The vibrations produce a very beautiful sound; but the tone of sound changes for an iron rope held in the same way, according to if the helix acts on certain points of the cord or on others. The intensity equally varies. The current which crosses the iron wire produces the same tone as that which determines the magnetisation worked by the helix, although in the first case the wire is not at all magnetised. That would seem to prove that the molecular modification which results from the transmission of an electric current is the same as that which results from magnetisation. But what is it? It is that which I am trying to find. I do not know if I will succeed.

I am convinced the ability of iron of nickel and cobalt to be magnetised, comes uniquely from their particular molecular constitution. The idea that you have put forward that this property comes from the great closeness of their particles seems to me to receive confirmation from the fact that it is this same closeness that makes these bodies give a sound by the rubbing of their particles one on another, when the electric current crosses them. In effect, the sound they make and which is much louder for iron than for the others, is very similar to that of a cogwheel which, in turning, taps against a metal spring; it is the sound of metal striking metal.

I add in the envelope these few words to ask you a favour. You have given me a volume which comprises your papers up to and including the 14th Series19. Would you be kind enough to give me the papers which follow?20 I do have some of them; I do not have them all and I would truly like to have a complete collection. If you were so kind, I would be most obliged if you could send them to Messrs Morris Prevost & Co21, care of Mr J.L. Prevost who is often in Geneva and who would pass them on to me.

I hope you received some time ago my note on the life and works of De Candolle22 which I sent to you through Mr Baillière23.

I learned with great grief of the death of the excellent Professor Daniell; it is a great loss for Science; this loss must have been very personal for you, for he was such a likeable and kind man and he was very attached to you.

Your nomination at the Académie des Sciences delighted me; it is an act of justice that has been owing to you for some time. It reminded me that you were not an Honorary Member of our Société de Physique & d'Histoire Naturelle and I have hastened to ask that this very modest title be accorded to you, as it is a way not for us to recognise the services you have given to Science, we are too unimportant for that, but a kind testimony to your country and to its people by men of Science. It is to this last title only, since you are a friend of Geneva and the Genevans that we have dared link your name to that of Arago, Humboldt, Zach24, Becquerel and a few more less well known names. Colladon, who is going to England will bring you the diploma with this scientific title to add in some small space to those you have already.

I have but this little space to recall to you, Sir, how attached I am to you, to ask you to recall me to the memory of Mrs Faraday and to beg you to believe the respectful and affectionate sentiments of your devoted | A de La Rive.

Charles-Gaspard De La Rive (1770-1834, DSB). Swiss chemist.
Marignac (1845).
De La Rive (1846).
De La Rive (1845a).
Faraday (1839b).
Faraday (1839a, 1840a, b, 1843a), ERE15, 16, 17 and 18.
Merchants of 21A Gresham Street. POD.
Augustin-Pyramus de Candolle (1778-1841, DSB). Swiss botanist. See De La Rive (1844).
Hippolyte Baillière (d.1867, age 58, B1). French bookseller in London.
Franz Xaver von Zach (1754-1832, DSB). Austrian astronomer.
Charles-Gaspard De La Rive (1770-1834, DSB). Swiss chemist.
Marignac (1845).
De La Rive (1846).
De La Rive (1845a).
Faraday (1839b).
Faraday (1839a, 1840a, b, 1843a), ERE15, 16, 17 and 18.
Merchants of 21A Gresham Street. POD.
Augustin-Pyramus de Candolle (1778-1841, DSB). Swiss botanist. See De La Rive (1844).
Hippolyte Baillière (d.1867, age 58, B1). French bookseller in London.
Franz Xaver von Zach (1754-1832, DSB). Austrian astronomer.

Bibliography

DE LA RIVE, Arthur-August (1844): “Notice sur la vie et les ouvrages de A.-P. de Candolle”, Bibl. Univ., 54: 75-144, 303-77.

DE LA RIVE, Arthur-August (1845a): “Sur les mouvements vibratoires que déterminent dans les corps, soit la transmission des courants électriques, soit leur influence extérieure”, Comptes Rendus, 20: 1287-91.

DE LA RIVE, Arthur-August (1846): “Des mouvements vibratoires qui déterminent dans les corps, et essentiellement dans le fer, la transmission des courants électriques et leur action extérieure”, Ann. Chim., 16: 93-127.

FARADAY, Michael (1839b): Experimental Researches in Electricity, London.

MARIGNAC, Jean Charles Galissard de (1845): “Sur la production et la nature de l'ozone”, Comptes Rendus, 20: 808-11.

Please cite as “Faraday1751,” in Ɛpsilon: The Michael Faraday Collection accessed on 1 May 2024, https://epsilon.ac.uk/view/faraday/letters/Faraday1751