Joseph Antione Ferdinand Plateau to Faraday   25 March 1849

Gand, 25 Mars 1849

Mon cher Monsieur Faraday.

Permettez-moi de vous offrir un exemplaire du mémoire que je viens de publier1. Ce travail constitue la suite de celui que j’ai eu l’honneur de vous envoyer il y a quelques années2, et au sujet duquel vous avez bien voulu m’écrire une lettre flatteuse que je conserve comme un témoignage de vos bons sentiments pour moi. Dans ce premier mémoire, je n’ai guères eu recours qu’à l’expérience; aussi renferme-t-il plus d’un chose hasardée, et même de petites erreurs théoriques. Dans le mémoire actuel, au contraire, la theorie et l’expérience marchent de front, et se prêtent un mutuel appui. Vous y verrez se produire sur une grande échelle, des phénomènes de l’ordre de ceux auxquels on a donné l’épithète de Capillaires à cause de leur exiguité; vous y trouverez en même temps une suite de confirmations inattendues de l’admirable théorie sur laquelle repose l’explication des phénomènes capillaires; enfin, vous arriverez à une application qui consiste dans la théorie complète d’une phénomène dont l’étude expérimentale a formé la matière de l’un des plus beaux mémoires3 de Savart4.

J’ai reçu l’exemplaire que vous avez bien voulu m’envoyer de votre mémoire sur les nouveaux phénomènes dont vous avez enrichi la science5; Je vous en remercie, et je saisis cette occasion un peu tardive de vous exprimer toute mon admiration pour ces brillantes découvertes. On pouvait penser que c’était assez pour votre gloire d’avoir ajouté à vos travaux antérieurs la découverte de l’induction électro-dynamique avec toutes ses conséquences si extraordinaires; eh bien non! voilà que vous constatez d’une manière inespérée l’influence des courants électriques sur la lumière, puis l’universalité de l’action du magnétisme. En vérité, créer une nouvelle branche de la physique, ce n’est qu’un jeu pour vous.

A propos de magnétisme, causons un peu, si vous le voulez bien. Vos belles expériences sur les gaz vous ont conduit à établir l’état magnétique ou dia-magnétique d’un gaz donné, par rapport à un autre gaz donné; mais, ainsi que vous l’avez fait remarquer, elles ne permettent pas de constater si tel gaz est, par lui-même, magnétique ou dia-magnétique. Or, il m’a semblé qu’il serait possible d’arriver à cette connaissance absolue, et cela au moyen d’un procédé que je vais avoir l’honneur de vous soumettre.

Supposons l’électro-aimant renfermé dans une cage transparente remplie d’un gaz donné. Si ce gaz est magnétique, ses molécules seront attirées pas les pôles de l’électro-aimant, et elles seront, au contraire, repoussées si le gaz est dia-magnétique. Or, dans le premier cas, l’attraction des pôles aura nécessairement pour effet d’augmenter la densité du gaz autour de ces mêmes pôles, et, dans le second cas, la répulsion devra, au contraire, diminuer cette densité. Si donc le gaz est magnétique, la densité de la couche qui environne les pôles ira en croissant rapidement depuis une petite distance de la surface du métal jusqu’à cette même surface, et, si le gaz est dia-magnétique, ce sera un décroissement rapide de densité qui aura lieu. Par conséquent, lorsque un rayon lumineux traversera très obliquement la couche dont il s’agit, il sera quelque peu dévié dans un sens ou dans l’autre, suivant que la couche sera condensée ou dilatée.

Cela étant, et l’électro-aimant étant supposé vertical, placez verticalement derrière lui, à la distance d’une dixaine de pieds, par exemple, une feuille de papier blanc sur laquelle vous aurez marqué un point noir, et faites en sorte que ce point soit à la hauteur des pôles; puis, avant de faire agir le courant, placez-vous du côté opposé, à une distance au moins aussi grande de l’électro-aimant, et de manière que la droite qui va du point noir à votre oeil rase la surface supérieure de l’un des pôles; enfin, faites agir le courant. Alors, si le gaz est magnétique, le point noir devra paraître s’élever un peu au-dessus de la surface du pôle, et, si le gaz est dia-magnétique, le point devra disparaître derrière ce même pôle.

Il est inutile de vous faire remarquer que, dans cette expérience, l’oeil devra être bien immobile, et que, parconséquent, il faudra regarder à travers un petit trou percé dans une plaque portée par un support fixe. Il me semble, en outre, que les pôles ne devront pas être munis des armatures coniques dont vous vous êtes servi pour vos expériences: car les pointes de ces armatures étant très voisines, le magnétisme de chacun des pôles doit être en partie dissimulé par celui de l’autre; je crois que les pôles devraient être terminés par des surfaces horizontales très légerement convexes. Le plus ou moins d’effet dépendra surtout de la force de l’électro-aimant; mais je pense qu’on pourrait augmenter ce même effet, en plaçant les deux pôles suivant la ligne qui va du point noir à l’oeil: car alors le rayon, après avoir traversé la couche qui environne l’un de pôles, traverserait ensuite celle qui environne l’autre, et sa déviation serait doublée. Peut-être aussi serait-il bon de remplacer le point noir par une ligne noire horizontale et suffisamment longue: cette ligne devrait paraître brisée. Si l’action était trop faible, vous pourriez regarder à travers une lunette munie d’un fil horizontal. Enfin, il est possible que l’action de la pile échauffe notablement les fils de l’électro-aimant, d’où résulterait un courant d’air ascendant et dilaté, qui pourrait devenir une cause de déviation du rayon lumineux; dans ce cas, il faudrait garantir les pôles de ce courant d’air chaud, au moyen d’écrans convenables.

Je vous expose ces idées telles qu’elles me sont venues à l’espirit, et vous en ferez l’usage qu’il vous plaira; seulement, si vous les mettez en pratique, j’attends de votre bonte que vous me fassiez part de résultats positifs ou négatifs auxquels vous serez arrivé6.

Puis-je espérer que vous aurez l’obligeance de faire remettre les exemplaires ci-joints à Sir J. Herschel et à Messieurs Wheatstone et Grove dont j’ignore les adresses, ainsi qu’à Société Royale?

Tout à vous | Jh. Plateau | professeur à l’Université, place du Casino 18.

P.S. Je m’aperçois qu’au commencement de ma lettre, en parlant de mon premier mémoire sur les masses liquides, je semble faire le procès aux méthodes expérimentales. Telle n’a pas été mon intention; j’ai trop souvent moi-même employé ces méthodes pour ne pas en reconnaître toute l’importance; j’ai voulu dire uniquement, que comme le sujet de ce premier mémoire pouvair être abordé à la fois par la théorie et par l’expérience, j’ai eu tort, dans ce cas, de m’en tenir à l’expérience seule.


Endorsed by Faraday: See M.S. notes of Expts 10 Octr. 1849 &c (10277 &c to 10301)

TRANSLATION

Ghent, 25 March 1849

My dear Mr Faraday,

Permit me to offer you a copy of a paper that I have just published7. This work follows on from that which I had the honour of sending you some years ago8, about which you very kindly wrote me a flattering letter, which I have kept as proof of your benevolent feelings towards me. In the earlier paper, I hardly referred to experimentation; it contains more than one guess and even contains some small errors of theory. The current paper, on the contrary, uses theory and experiment equally and both lend support to each other. You will see produced on a grand scale, the kind of phenomena which has been called Capillary because of their exiguity; you will find at the same time a whole series of unexpected confirmations of the admirable theory on which rests the explanation of capillary phenomena; finally, you will come to an application which lies in the complete theory of a phenomenon of which the experimental study has formed the subject of one of the most beautiful papers9 by Savart10.

I received the copy that you very kindly sent me of your paper on the new phenomena with which you have enriched science11. I thank you, and take this rather belated opportunity to express to you all my admiration for these brilliant discoveries. One might have thought that it was enough for your glory to have added to your earlier works the discovery of electro-dynamic induction with all its extraordinary consequences; but no! here you are discovering in an unexpected way, the influence of electric currents on light, and the universality of magnetic action. In truth, creating a new branch of physics, is but a game for you.

Concerning magnetism, let us talk a little, if you do not mind. Your beautiful experiments on gas have led you to establish the magnetic or diamagnetic state of a given gas, in relation to another given gas; but, just as you have pointed out, they do not allow you to determine whether a particular gas is, of itself, magnetic or diamagnetic. Now it seems to me that it would be possible to arrive at this absolute knowledge, and that by means of a method that I shall have the honour of submitting to you.

Let us suppose that an electro-magnet is enclosed in a transparent cage filled with a given gas. If this gas is magnetic, its molecules will be attracted by the poles of the electro-magnet, and, on the other hand, they will be repelled if the gas is diamagnetic. Now, in the first case, the attraction of the poles will necessarily have the effect of increasing the density of the gas around these same poles, and in the second case, the repulsion will, on the other hand, diminish this density. Thus if the gas is magnetic, the density of the layer which surrounds the poles will grow rapidly from a little distance away from the metal right up to its surface, and, if the gas is diamagnetic, there will be a rapid decrease in the density which will take place. Consequently, since a ray of light will cross the layer in question very obliquely, it will be deviated a little in one direction or another, depending on if the layer is condensed or dilated.

This being the case, supposing the electro-magnet is vertical, place vertically behind it, at a distance of ten or so feet, for example, a sheet of white paper on which you will have marked a black point, and do it in such a way that this point is at the height of the poles; then, before you switch the current on, put yourself on the opposite side, at a distance at least as far from the electro-magnet and in such a way that the straight line which goes from the black point to your eye skims the top surface of one of the poles; finally, switch the current on. Now if the gas is magnetic, the black point will appear to rise slightly above the surface of the pole, and if the gas is diamagnetic, the point will disappear behind this same pole.

It is unnecessary to tell you that for this experiment, the eye must not move, and that consequently one must look through a little hole pierced in a sheet, held by a fixed support. It seems to me, moreover, that the poles must not be fitted with the conical armatures that you used in your experiments: for the points of these armatures being very close, the magnetism of each of the poles must in part be dissimulated by that of the other; I believe that the poles should end in horizontal surfaces which are very slightly convex. The greater or lesser effect will depend above all on the strength of the electro-magnet; but I think the effect could be increased by placing the two poles following the line which goes from the black point to the eye: for then the ray, having crossed the layer which surrounds one of the poles, would then cross the one which surrounds the other, and its deviation would be doubled. Perhaps it would also be a good idea to replace the black point by a sufficiently long horizontal black line: this line would appear to be broken. If the action were too weak, you could look through a magnifying lens fitted with a horizontal wire. Finally, it is possible that the action of the pile could significantly heat the wires of the electro-magnet, from which would result a current of rising and dilated air, which could become a reason for the deviation of a ray of light; in this case, one must protect the poles from this current of warm air by means of suitable screens.

I expound these ideas just as they have come into my mind, and you can make whatever use you wish of them; only, if you put them into practice, I would be very grateful if you could convey to me the positive or negative conclusions that you reach12.

May I hope that you will have the kindness to convey the enclosed copies to Sir J. Herschel and to Messrs Wheatstone and Grove, whose addresses I do not possess, as well as to the Royal Society?

All yours | Jh. Plateau | Professor at the University, place du Casino 18

P.S. I have realised that at the beginning of my letter, speaking of my first paper on liquid masses, I seem to have put experimental methods in the dock. This was not my intention; I have all too often myself employed these methods not to recognise their importance; I wanted only to say, that the subject of this first paper ought to have been tackled both by theory and by experimentation. I was wrong, in that case, to rely to experimentation only.

Plateau (1849).
Plateau (1843). See Plateau to Faraday, 15 May 1844, letter 1586, volume 3.
Savart (1833).
Félix Savart (1791-1841, DSB). French physicist.
Faraday (1847b).
Faraday did not receive this letter until 29 September 1849 (Faraday, Diary, 10 October 1849, 5: 10277). The following month he conducted experiments stemming from the letter. See Faraday, Diary, 10, 12 and 15 October 1849, 5: 10277-10301.
Plateau (1849).
Plateau (1843). See Plateau to Faraday, 15 May 1844, letter 1586, volume 3.
Savart (1833).
Félix Savart (1791-1841, DSB). French physicist.
Faraday (1847b).
Faraday did not receive this letter until 29 September 1849 (Faraday, Diary, 10 October 1849, 5: 10277). The following month he conducted experiments stemming from the letter. See Faraday, Diary, 10, 12 and 15 October 1849, 5: 10277-10301.

Bibliography

FARADAY, Michael (1847b): “On the Diamagnetic conditions of Flame and Gases”, Phil. Mag., 31: 401-21.

PLATEAU, Joseph Antoine Ferdinand (1843): “Mémoire sur les phénomènes que présente une masse liquide libre et soustraite a l'action de la pesanteur”, Mém. Acad. Sci. Bruxelles, 16. [Separately paginated].

PLATEAU, Joseph Antoine Ferdinand (1849): “Recherches expérimentales et théoriques sur les figures d'équilibre d'une masse liquide sans pesanteur”, Mém. Acad. Sci. Bruxelles, 23. [Separately paginated].

SAVART, Félix (1833): “Mémoire sur la Constitution des Veines liquides lancées par des orifices circulaires en mince paroi”, Ann. Chim., 53: 337-86.

Please cite as “Faraday2164,” in Ɛpsilon: The Michael Faraday Collection accessed on 1 May 2024, https://epsilon.ac.uk/view/faraday/letters/Faraday2164